“Ce n’est pas l’?”il qui voit, mais le cerveau.” Tel est le postulat de départ des travaux de Paul Bach-y-Rita, un scientifique travaillant aux Etats-Unis. Il met aussi en lumière la “plasticité du cerveau” qui sait compenser une fonction déficiente. Dès lors, il imagine de substituer un sens à un autre et d’utiliser le toucher, très développé chez les aveugles, pour leur permettre d’appréhender l’environnement. En 1963, il met au point la première version du TVSS (Tactile Visual Substitution System), un système de vision tactile amélioré depuis notamment grâce à la miniaturisation des composants.
Progresser par petites touches
En France, depuis 1992, le professeur Eliana Sampaio, du Conservatoire national des arts et métiers, à Paris, a élargi la recherche en évaluant chez le sujet les conditions optimales d’utilisation de ce dispositif.Le principe, ingénieux, consiste à retranscrire, grâce à un ordinateur, une image enregistrée par une caméra sur une plaque munie de micro-capteurs qui vont déclencher une stimulation électrique selon l’information reçue de la caméra. La plaque est placée sur la peau, et ce réseau de petites électrodes (chacune fournissant une excitation micro-électrique très faible) recrée ensuite par analogie le contour des formes enregistrées.Après un apprentissage d’une dizaine d’heures, le non-voyant finit par oublier totalement les sensations tactiles et commence à discerner les objets qui l’entourent. Autrement dit, les picotements ressentis sur la peau par l’aveugle se transforment en une représentation visuelle.
Handicap visuel et psychologique
L’équipe d’Eliana Sampaio travaille aussi sur les répercussions psychologiques de ce dispositif. La vision chez l’homme est le sens le plus développé, car le plus sollicité dans l’appréhension du réel. Sans elle, difficile de se déplacer, de se représenter dans l’espace. Chez l’enfant, la cécité entrave même le développement de la personnalité. “Le manque d’interactions avec l’environnement favorise chez les enfants nés non-voyants l’apparition de troubles autistiques”, explique Hervé Segond, psychologue et enseignant-chercheur à l’Université Louis-Pasteur de Strasbourg. Un des volets du programme de recherche que l’équipe parisienne d’Eliana Sampaio développe en collaboration avec son ancienne équipe strasbourgeoise concerne justement les bébés.Le TVSS permet en effet d’envisager une action préventive efficace contre les problèmes psychologiques générés par ce handicap. Équipé d’une plaque fixée sur son abdomen et d’une caméra, le petit enfant se rend vite compte que ses sensations changent en même temps que ses mouvements. Cet aspect ludique lui permet de passer rapidement d’un état passif à un comportement actif, et de jouer avec son environnement. En outre, sa plasticité cérébrale semble beaucoup plus importante que celle de l’adulte, d’où une moindre durée d’apprentissage du dispositif.Mais peut-on parler de vision ? Au sens où les voyants l’entendent, non. Pourtant, le professeur Eliana Sampaio est formelle. Il s’agit bien d’une forme de vision, et tous les non-voyants qui en ont fait l’expérience s’accordent pour dire que les sensations éprouvées n’ont rien à voir avec celles qu’ils peuvent ressentir avec le braille.Pour évaluer ces sensations, une étude très simple a été réalisée. Un robot équipé d’une caméra, télécommandé par un aveugle appareillé et assis sur une chaise, se déplace dans un labyrinthe. Sans bouger, le sujet a la sensation de se mouvoir physiquement dans l’espace et d’en visualiser les obstacles. Extraordinaire, non ?
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