Jeudi, une petite bombe est tombée sur l’industrie des nouvelles technologies. Après des années de lutte pour la mise en place d’un chargeur universel, la Commission européenne a annoncé son intention de rendre le port USB Type-C obligatoire pour une première sélection d’appareils électroniques. Pendant deux ans, le temps que sa nouvelle directive soit appliquée, les constructeurs doivent se préparer à éliminer les ports Micro USB et Lightning, les deux dernières connectiques alternatives encore en activité aujourd’hui. Cette nouvelle ne réjouit évidemment pas tout le monde, Apple s’inquiète notamment de « l’étouffement de l’innovation » que pourrait provoquer la nécessité d’avoir un port unique.
Depuis l’officialisation de ce changement par Thierry Breton, Commissaire européen au Marché Intérieur, on lit tout et son contraire sur l’USB Type-C et la nouvelle directive européenne. Si vous souhaitez mieux comprendre la situation, nous avons posé quelques questions au porte-parolat de la Commission européenne pour vous expliquer ce qui va vraiment changer.
Pourquoi rendre obligatoire l’USB Type-C ?
Deux arguments sont mis en avant par la Commission européenne.
Le premier est pratique. L’Europe souhaite que n’importe quel chargeur de smartphone puisse recharger n’importe quel appareil, afin d’éviter les traditionnels « tu as besoin d’un chargeur d’iPhone ou de Samsung ? » que l’on entend à chaque soirée. Un chargeur doit pouvoir tout recharger.
La seconde raison est écologique, la multiplication des connectiques crée des déchets. Avec un seul câble utilisable de partout, il y aurait moins de raison de gaspiller.
L’Europe peut-elle imposer l’USB Type-C ?
Certaines personnes semblent convaincues que la Commission européenne n’a pas le pouvoir d’imposer une connectique à des constructeurs comme Apple, Samsung ou Xiaomi. Pourtant, en 2009, l’Union européenne avait déjà signé un protocole d’accord avec les constructeurs afin de favoriser le Micro USB. Certains, comme Apple, avaient contourné la mesure avec des adaptateurs, mais la plupart avaient abandonné leurs solutions propriétaires pour le Micro USB. C’est pour cette raison que les connecteurs propriétaires ont, à une exception californienne près, disparu du marché des smartphones. Ailleurs, ils existent encore.
S’il est vrai que l’Europe ne peut pas forcer un constructeur à changer le design de son appareil, elle peut, avec sa directive, interdire la commercialisation d’un smartphone dans les États membres de l’UE s’il ne se recharge pas par USB Type-C (on parle seulement de l’UE, pas de l’espace économique européen). Pour commercialiser ses produits dans les pays européens, un constructeur aura donc l’obligation d’offrir au moins un port USB Type-C. Puisqu’il est peu probable de voir une marque comme Apple lancer un iPhone différent en Europe du reste du monde, il devra probablement rentrer en conformité avec les exigences européennes et adopter de l’USB Type-C de partout. Au final, l’Europe imposera bien l’USB Type-C, sauf si un constructeur se passe complètement de recharge filaire (voir paragraphe suivant).
Peut-on contourner la loi ?
D’après la Commission européenne, c’est tout bonnement impossible. Même un adaptateur ne permettrait pas à un constructeur de rentrer dans les clous. Le câble dans la boîte d’un smartphone devra offrir de l’USB Type-C des deux côtés, sans aucune autre possibilité. En revanche, si un constructeur le souhaite, il pourra mettre plusieurs ports sur son appareil. La seule condition imposée par l’Europe est la présence d’au moins un port USB Type-C.
Cependant, la nouvelle directive européenne n’encadre pas les appareils qui se rechargent seulement par induction. Dans l’hypothèse où un smartphone ne supporte que la recharge sans-fil, il n’aura pas l’obligation d’être livré avec un câble USB Type-C vers USB Type-C ou de supporter la recharge par USB Type-C. « Tous les constructeurs qui ne font que du sans-fil sortent de ce cadre » nous explique la Commission. À ce jour, le seul moyen de contourner la loi est de se passer complètement de la charge filaire.
Pourquoi la recharge sans-fil n’est pas encadrée ?
C’est sans doute le plus grand oubli de cette nouvelle directive, la Commission européenne ne s’attaque qu’à la recharge filaire et laisse le marché s’autoréguler sur la recharge sans-fil. C’est dommage, il s’agit pourtant de la recharge la moins écologique.
Dans le futur, la Commission européenne se réserve le droit « d’intégrer la recharge sans-fil au texte ». Cette technologie étant relativement nouvelle, la Commission veut laisser aux constructeurs un peu plus de souplesse pour continuer à innover. Si les constructeurs ne jouent pas le jeu, la recharge des smartphones pourrait se fragmenter entre le marché de l’USB Type-C et le marché de la recharge sans-fil, ce qui ne résoudrait pas du tout le problème.
Pourquoi un constructeur refuserait-il l’USB Type-C ?
Prenons l’exemple d’Apple, le dernier grand constructeur qui n’utilise pas d’USB Type-C dans ses smartphones. Lorsqu’un accessoiriste développe un produit qui utilise la connectique Lightning, il a l’obligation de payer Apple dans le cadre du programme « Made For iPhone ». Si l’USB Type-C équipait les iPhone, Apple ne toucherait plus rien. Dans son cas, ce choix est donc purement économique. Apple a grand intérêt à refuser l’USB Type-C pour se contenter de sa recharge sans-fil MagSafe, sur laquelle il touche aussi une commission. L’utilisation de la connectique universelle dans les iPad et les Mac laisse cependant un peu d’espoir, il y a des chances qu’Apple finisse par adopter l’USB Type-C.
Qu’arrivera-t-il si l’USB Type-C a un successeur ?
Première chose à prendre en compte, l’USB Type-C est une connectique, mais pas une norme. On peut faire de l’USB 2.0, de l’USB 3.1 ou de l’USB 3.2 ou de l’USB 4 avec un connecteur Type-C. Le tout est rétrocompatible, mais aucun standard n’est imposé (le Thunderbolt 4 fonctionne aussi avec une connectique identique). Interrogée par 01net.com, la Commission européenne explique que seul le réceptacle USB Type-C sera exigé, ce qui signifie que les constructeurs pourront fournir un câble USB 2.0 limité à de la recharge, sans possibilité de transférer rapidement des fichiers.
Autre chose que l’on ne sait pas, que se passera-t-il si l’USB Implementers Forum, le consortium en charge de définir de nouvelles normes, invente un nouveau format plus petit et plus performant ? La Commission européenne nous a indiqué « ne pas fermer la porte à d’autres avancées technologiques » mais souhaite une interopérabilité totale avec les anciens ports USB Type-C, ce qui ferme finalement la porte à de futurs changements de format. Même si la commission nous rappelle qu’elle n’a pas pour habitude d’être fermée, on peut imaginer que les constructeurs auront du mal à remplacer l’USB Type-C une fois cette directive appliquée. C’est justement un des arguments d’Apple. Si le Micro USB avait été imposé, le Lightning et l’USB Type-C ne seraient jamais apparus.
Pourquoi les ordinateurs ne sont pas concernés ?
D’ici deux ans, les smartphones, tablettes, appareils photo, consoles de jeu portables, enceintes et casques audio (y compris les boîtiers type AirPods) auront l’obligation de se conformer à la directive européenne. Ils devront donc se recharger par USB Type-C ou par recharge sans-fil.
En revanche, les ordinateurs, montres connectées, manettes, périphériques (claviers/souris) ou même les objets électroménagers (rasoirs, brosses à dents électriques, etc.) pourront continuer d’utiliser des chargeurs propriétaires. « Il ne s’agit pas d’une décision arbitraire » selon la Commission européenne, puisque la directive se base sur le précédent règlement de 2009. Dans le futur, le port universel pourra être étendu à d’autres appareils. En attendant, en vacances, il est peu probable que l’USB Type-C suffise à tout recharger. Il faudra miser sur le bon vouloir des constructeurs. Espérons qu’il y ait un effet domino et que d’autres catégories de produits adoptent l’USB Type-C.
Quid de la recharge rapide ?
Ce point n’a pas été oublié par la Commission européenne. Pour s’assurer que les constructeurs jouent le jeu, la Commission européenne souhaite forcer l’adoption d’un standard de recharge rapide par tous les constructeurs. L’USB Power Delivery, avec a priori un minimum requis de 20W, devrait être la norme. Interrogé par 01net.com, la Commission européenne nous explique qu’elle permettra « aux protocoles de charge supplémentaires de coexister et d’interagir avec l’USB PD, ce qui permettra de garantir que le progrès technique puisse continuer à se produire dans ce secteur ». Autrement dit, les technologies SuperVOOC 65W d’Oppo ou HyperCharge 120W de Xiaomi pourront continuer d’exister, à condition que les smartphones qui les utilisent fonctionnent aussi avec l’USB PD classique. La Commission européenne veut éviter de créer une situation où un smartphone Oppo ne se rechargerait rapidement qu’avec un chargeur Oppo.
La directive peut-elle tomber à l’eau ?
Les concertations avec les constructeurs sont terminées, ce qui signifie qu’ils ne peuvent plus bloquer la directive. Une fois sa rédaction terminée (environ 12 mois), les constructeurs auront 12 mois supplémentaires pour se mettre en règle. En imaginant d’éventuels retards, on peut imaginer que l’USB Type-C devienne obligatoire en 2024. D’ici là, il n’y a plus qu’à espérer que le marché n’éclate pas entre USB-C, recharge sans-fil et de nouveaux connecteurs propriétaires sur d’autres produits.
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