Mais que peut bien vouloir faire Google de sa récente acquisition à 400 millions de dollars, la start-up spécialisée en intelligence artificielle DeepMind ? Créer une nouvelle génération de super robots capables de penser et de ressentir comme les hommes à l’image de l’android du film « AI intelligence artificielle » ? Pas vraiment.
Deep Mind et les jeux vidéo
A la tête de Deep Mind, on trouve Demis Hassabis, un neuroscientifique réputé qui a participé à la conception de célèbres jeux vidéo, comme Syndicate, Theme Park ou Black & White. Et Shane Legg, un chercheur en mathématiques. La start-up aurait séduit des cadres de Google lors d’une présentation le 9 décembre dernier à la conférence Neural Information Processing Systems de Montréal (NIPS).
Les chercheurs de la société y avaient présenté leurs travaux sur un modèle de réseau de neurones artificiels testé sur une console Atari 2600. Dans 3 jeux sur 7, leur intelligence artificielle avait réalisé de meilleures performances qu’un humain.
Quand les machines apprennent (presque) toutes seules
En fait, les dirigeants de Deep Mind n’ont pas choisi son nom par hasard. C’est une start-up qui utilise des techniques de deep learning, ou « apprentissage en profondeur » en français. Et c’est ce savoir-faire qui intéresse Google. Mais qu’est-ce que le deep learning ?
« C’est un ensemble de techniques informatiques utilisant des données brutes pour apprendre sans supervision humaine », nous explique Sylvain Peyronnet, professeur en algorithmique à l’Université de Caen. « C’est comme si un enfant apprenait à lire tout seul et que l’adulte n’intervenait que pour lui dire ” tu n’as pas compris ” ou ” tu as compris “. Mais sans lui avoir fourni l’alphabet », ajoute notre chercheur.
Ce n’est pas sa seule particularité. « Ce système de connaissance s’inspire de la neurobiologie. Il vise à trouver des éléments informatiques permettant à un réseau de neurones artificiels d’apprendre sur le modèle du cerveau humain », souligne Alain Cardon, chercheur en informatique avancée et intelligence artificielle à l’école d’ingénieurs de l’INSA. Expérimenté dans les labos dès la fin des années 70, le deep learning a mis du temps a émerger. Les premiers résultats ont été obtenus en améliorant les algorithmes et la puissance de calcul des ordinateurs. Et cela fait quelques années maintenant que les géants américains du numérique s’y intéressent. A commencer par Google.
Google fan de deep learning
La firme de Mountain view s’intéresse de très près à cette discipline de pointe. Elle a créé une équipe dédiée au deep learning dès 2011 sous la houlette d’Andrew Ng. En décembre 2012, Larry Page a recruté Ray Kurzweil, un ingénieur et futurologue pionnier dans ce domaine. Et en mars 2013, Google s’est aussi payé DNNresearch, la société de Geoffrey Hinton. Un chercheur qui a imposé cette discipline au niveau mondial. Les grosses têtes de DeepMind viennent donc compléter cette dream team.
Reconnaissance vocale sur les smartphones Android ou étiquetage automatique des photos sur le réseau social Google plus : on retrouve déjà des applications du deep learning dans de nombreuses applications Google. C’est aussi cette branche de l’IA qui est au cœur de son projet de cerveau artificiel qui fonctionne avec 16 000 processeurs et qui a déjà appris à distinguer… des chats dans des vidéos.
Le géant de la recherche n’est pas le seul à s’intéresser à cette technique. Microsoft l’a aussi utilisée dans le cadre de ses recherches en reconnaissance vocale. Et Facebook vient d’engager un spécialiste français de la question, Yann LeCun, et s’est fait souffler le rachat de DeepMind par Google. Ultime consécration pour le deep learning, il a été classé parmi les 10 technologies majeures par le MIT en 2013.
Quelles conséquences pour les internautes ?
Restent de nombreuses interrogations. Google va-t-il se contenter d’utiliser le deep learning pour améliorer les performances de son système de reconnaissance vocale ? Pas sûr. « L’une des finalités, c’est d’arriver à modéliser le comportement des internautes pour trouver des patterns cachés », annonce Sylvain Peyrronet. Et d’exploiter au mieux toutes les données collectées sur les utilisateurs afin, par exemple de prédire leurs achats….
« Cela pourrait aussi devenir un formidable outil de contrôle et de surveillance des humains. D’où l’intérêt de créer un comité d’éthique de l’informatique au niveau mondial », met en garde Alain Cardon. Les inquiétudes de ce chercheur ont peut-être été entendues : les fondateurs de DeepMind ont demandé à Google de créer un comité d’éthique lors de leur rachat. Pas rassurés sur les intentions de leur nouveau patron ?
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.