Outre-Manche, on désigne par « wash-up period » les derniers jours avant la dissolution du Parlement par la Reine, pour la tenue des élections législatives. Les prochaines sont prévues le 6 mai. Le gouvernement en place de Gordon Brown essaie donc de faire voter tout ce qui peut encore l’être avant de clore son mandat.
C’est dans cette ambiance particulière qu’a été adoptée hier soir la Digital Economy Bill, la loi sur l’économie numérique (surnommée, et ce n’est pas une blague, « DeBill »). Celle-ci couvre un grand nombre de sujets (radio numérique, rôle du régulateur, etc) dont la défense des droits d’auteur et la lutte contre le téléchargement illégal.
Elle a été votée en urgence – deux heures à peine – par une majorité d’élus de la Chambre des communes, avec 189 voix pour et 47 voix contre, selon le Guardian. Le texte doit désormais repasser par la Chambre des Lords, avant adoption définitive… sachant que les aspects les plus controversés de la loi pourront être revus par le prochain Parlement, explique BBC News.
Blocage de sites
La loi introduit la riposte graduée, comme la loi Hadopi française. Elle prévoit l’envoi par les FAI de courriers à leurs abonnés qui enfreignent le droit d’auteur, et le cas échéant, de ralentir ou couper la connexion à Internet de ceux qui persistent, sous réserve de preuves tangibles. Ce cas de figure n’interviendra pas avant un an.
Cette disposition a été vivement critiquée par certains parlementaires, jusque dans les rangs de la majorité, tel Tom Watson, ex-ministre du gouvernement Brown, qui craint que des innocents soient accusés. L’Open Rights Group avait manifesté devant Westminster le 24 mars dernier (voir vidéo) pour dénoncer le principe de la déconnexion et demander un vrai débat sur la question. On y voit des élus du Labour Party se montrer très critiques sur la loi. On y voit notamment Tom Watson s’en prendre au blocage des sites, digne de la Chine selon lui.
C’est en effet un autre point important et controversé du texte : la possibilité pour le secrétaire d’Etat au Commerce d’ordonner le blocage par les FAI de sites qui sont utilisés pour une activité qui enfreint le droit d’auteur. Le gouvernement avait retiré un des articles (« clause ») qui ouvrait cette possibilité, mais l’a réintroduite par l’intermédiaire d’un amendement.
Celui-ci risque d’aboutir à des dérives graves pour le député John Hemming (Parti libéral démocrate), comme de bloquer Wikileaks, un site qui diffuse des informations confidentielles. Un des représentants du gouvernement a indiqué que la loi ne serait pas utilisée pour restreindre la liberté d’expression, mais sans donner de garanties concernant Wikileaks.
Un jour sombre pour le Parti pirate
Au lendemain de ce vote, Jim Killock de l’Open Rights Group parle d’une attaque contre le droit de chacun de communiquer, travailler ou s’éduquer. Le Parti pirate du Royaume-Uni, de son côté, évoque un « jour sombre pour l’avenir numérique pour la Grande-Bretagne ». Pour lui, la loi ne stoppera pas le téléchargement illégal, et poussera les internautes vers des techniques de cryptage.
Feargal Sharkey, ex-chanteur des Undertones et directeur général de UK Music, qui représente une grande partie de l’industrie du disque outre-Manche, s’est réjoui du vote sur la BBC. Pour lui, il était temps d’essayer de stopper les agissements de ceux qui prennent le talent et le temps des autres, « sans payer et sans permission ».
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