Ce jeudi 11 juin, le Français Philippe Maugars a été distingué par le Prix de l’inventeur européen dans la catégorie Industrie lors d’une cérémonie organisée par l’Office européen des brevets. Aujourd’hui à son propre compte, il a jeté les bases de la technologie NFC il y a plus de dix ans, alors qu’il travallait comme ingénieur chez Philips. Il revient pour 01net.com sur cette aventure.
01net.com : Que représente ce prix pour vous ?
Philippe Maugars : C’était inespéré et touchant. Le NFC n’a pas eu un succès immédiat, nous avons déposé nos brevets il y a plus de dix ans maintenant et je ne pensais pas que cette technologie mettrait autant de temps à être diffusée dans le monde. Je suis reconnaissant au jury d’avoir distingué notre travail sur le long terme.
Quel a été votre parcours chez Philips ?
J’ai été embauché en 1983 pour développer des logiciels mais j’avais depuis l’enfance une véritable passion pour l’électronique. J’ai travaillé sur différents projets comme l’amélioration de l’autonomie des téléphones mobiles, des télécommandes pour ouvrir des voitures ou encore des décodeurs de télépéages. Un jour, j’ai pris la tête d’une équipe à Caen spécialisée dans les lecteurs de cartes à puce. C’est là que j’ai découvert qu’une autre équipe de Philips à Graz, en Autriche, dirigée par Franz Amtmann, s’était spécialisée, elle, dans les cartes à puce sans contact. J’ai proposé qu’on collabore. Nous avons ensuite été sollicités par Sony, qui voulait développer des solutions comme des cartes pour les remontées mécaniques de ski. L’idée s’est alors imposée d’augmenter les possibilités du RFID et de rendre un appareil capable à la fois de lire et de se comporter comme une carte sans contact.
Quel a été votre rôle exact dans l’invention du NFC ?
J’ai déposé trois des six brevets fondamentaux du NFC pour le compte de Philips, mon collègue Franz Amtmann est l’auteur des trois autres. Un consortium, le NFC Forum, a été ensuite créé par Philips et Sony. Ils ont été rejoints peu après par Nokia. Mais il a fallu de longues années pour convaincre les constructeurs, les opérateurs de téléphonies et les banques d’utiliser le NFC. Aujourd’hui le consortium compte 170 sociétés ! Et les nombreux groupes de travail continuent régulièrement de déposer des brevets. C’est également mon cas depuis que j’ai créé ma propre société il y a deux ans.
Le NFC va encore se développer
Dans quels objets de la vie quotidienne trouve-t-on du NFC et quels sont les avantages de cette technologie ?
Le pass Navigo, les cartes bancaires, les smartphones, les badges d’entreprise, les cartes pour ouvrir les chambres d’hôtel, etc. C’est une technologie sans fil et sans contact qui permet de faire communiquer des appareils en champ proche. Ce qui est le gage d’une sécurité physique.
Il y a pourtant des failles de sécurité …
La courte portée limite tout de même les tentatives de piratage. Le mode de transmission n’est pas électro-magnétique mais purement magnétique ce qui veut dire que les ondes ne se propagent pas. Donc pour intercepter quelque chose, il faut se situer physiquement entre les deux appareils qui sont en train de communiquer. C’est encore plus difficile quand l’appareil n’est pas en train de fonctionner. La personne mal intentionnée doit véritablement venir se frotter contre vous pour pouvoir s’introduire dans votre smartphone, par exemple. Ou alors être munie d’énormes antennes, ce qui est peu discret.
Mais la plupart du temps, lorsqu’il y a une faille de sécurité, c’est parce que le niveau de cryptage n’était pas suffisant. On peut en effet rajouter un système de cryptage qui va de 0 à 12. Mais plus il est élevé, plus il coûte cher. On a ainsi eu des cas de fraude dans les transports dans certains pays parce que des gens avaient réussi à cloner des cartes d’abonnement mensuel. Mais c’était la faute de l’opérateur de transports qui voulait faire des économies…
Comment voyez-vous l’avenir du NFC ?
Au Japon, NTT a voulu qu’on développe une solution pour pouvoir se servir du NFC même quand la batterie était déchargée. On a donc développé une fonction permettant de réserver automatiquement une faible part d’énergie pour faire fonctionner une application en particulier, comme un ticket de métro virtuel, par exemple.
Je travaille aussi actuellement sur l’utilisation du NFC dans le domaine de l’« intelligence répartie » en domotique. J’expérimente actuellement le pilotage de l’éclairage d’une maison de retraite. Avec une autre technologie de grande distance, il faudrait reconfigurer entièrement le réseau pour changer le mode d’interaction entre un interrupteur et un luminaire. Avec le NFC et sa courte portée, on peut reconfigurer de manière simple un seul élément. Et ce n’est qu’un début : je pense que le NFC va encore se développer et que ce prix va y contribuer en le médiatisant.
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