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Mieux gérer sa facture téléphonique

Conçus pour comptabiliser le trafic téléphonique, les logiciels de gestion de taxation évoluent vers l’aide à la décision. Partant de l’analyse des flux réels, ils servent à effectuer des simulations tarifaires multi-opérateurs. Une poignée d’éditeurs s’est engouffrée dans la brèche ouverte par les fabricants de PABX.

La dérégulation des télécoms ne réjouit pas que les opérateurs et autres marchands de minutes. L’ouverture à la concurrence a été à l’origine de la création d’un nouveau marché : celui des outils et services destinés à aider et à soutenir les entreprises dans leur stratégie de choix multi-opérateur. Les logiciels issus de la famille des outils de gestion de taxation tiennent une place à part. A l’origine, ces applications récupéraient et traitaient les tickets de taxation émis par les autocommutateurs pour les appels sortants ou entrants. Nés à une époque où France Télécom faisait encore la pluie et le beau temps, ces outils intégrés aux PABX ont été contraints de prendre en marche le train de la déréglementation.

D’une gestion comptable à une gestion financière

La gestion des consommations téléphoniques se limitait naguère à répartir les consommations en un mode analytique. Ces logiciels ont dû se départir de cette approche purement comptable, pour s’adapter aux contingences des solutions multi-opérateurs. ‘ En collectant les données à leur source, c’est-à-dire au niveau du PABX, les logiciels de taxation sont bien placés pour servir de base à la gestion des communications téléphoniques dans leur ensemble ‘, explique Bernard Houlier, directeur général de Génie Télécom. Ces applications ont eu longtemps, et ont encore, une autre utilité. Elles étaient employées pour récupérer les impulsions de retour rythmant la communication émises par l’opérateur, ce qui permettait aux hôtels ou aux hôpitaux de refacturer les communications à leurs clients. Or, depuis 1997, le prix d’un appel est mesuré en fonction de sa durée exacte à la seconde (après consommation du crédit-temps initial, temps minimal facturé). La plupart des logiciels ont donc dû s’adapter à cette nouvelle donne. Toutefois, certains opérateurs (comme France Télécom ou MCI WorldCom) renvoient encore l’impulsion. Ce service permet de continuer à utiliser un logiciel de taxation traditionnel, qui ne traite que des impulsions. Les tickets de taxation représentent les enregistrements informatiques caractérisant une conversation téléphonique type. A chaque fois que le combiné est raccroché, un ticket est créé par le PABX. Il contient l’ensemble des paramètres liés à la communication : heure, durée, destination et numéro du poste appelant. La principale difficulté que les éditeurs indépendants des fabricants de PABX doivent surmonter est de récupérer des tickets de taxation, dont les formats sont tout aussi propriétaires que l’équipement dont ils sont issus. Ils ont donc développé des dictionnaires d’interprétation idoines, adaptés à chaque gamme de matériel. ‘ Certains fabricants s’ingénient à compliquer l’accès à leurs formats de tickets. Nous parvenons à nous faire ouvrir toutes les portes, en utilisant parfois la pression amicale des clients ‘, souligne avec malice Florent-Eric Raugel, p.-d.g. de Cieme Informatique, éditeur de logiciels de gestion télécoms. Pour prendre connaissance de ces informations, le port imprimante dont sont équipés tous les PABX du marché est utilisé. Cette prise série V24-RS232 – baptisée sortie fil de l’eau – est généralement raccordée à un boîtier externe qui procède à l’acquisition de ces données et à leur mémorisation. Cet intermédiaire renvoie ensuite ces tickets de taxation vers le poste de travail qui héberge le logiciel de taxation et sa base de données informatique.

Qui téléphone, à qui, combien de temps et pour quel prix ?

La valeur ajoutée originelle de ces programmes consiste à enrichir les tickets fournis par le PABX. Ainsi, certains logiciels ajoutent au numéro de poste le nom de son titulaire et adjoignent au numéro composé sa situation géographique. Ces enregistrements de communication enrichis sont ensuite stockés dans une base de données. La plupart des outils du marché utilisent Windows comme interface graphique utilisateur et ont recours aux progiciels de bases de données classiques. Un choix qui a des conséquences sur l’ergonomie de ces outils. De ce fait, ils exploitent les possibilités graphiques de Windows pour la présentation des tableaux de bord analytiques. Les générateurs d’états et les ‘ grapheurs ‘ sont fournis systématiquement avec ces logiciels. L’utilisation de bases de données permet l’interrogation multicritère. Enfin, ces outils peuvent tous exporter leurs enregistrements de communication dans des formats de fichiers courants : HTML, Excel ou Word notamment. Les prix des licences sont très variables selon les éditeurs, en raison de la modularité des applications et de leur degré de personnalisation. La fourchette varie de 5 000 à 500 000 F et plus ! Tous les logiciels sont vendus en différents modules, chacun remplissant une fonction précise. La fonction historique consiste à fournir des rapports autorisant l’établissement du suivi des communications. Ce module permet d’analyser les flux de trafic en fonction de la durée des communications et du nombre d’appels entrants et sortants. Dans la plupart des cas, cette analyse quantitative débouche sur une analyse qualitative. A partir du temps moyen d’attente des appels entrants au standard, l’entreprise peut commencer à mesurer le niveau de son accueil téléphonique. Il devient possible d’établir des statistiques, quelle que soit la période retenue. Plusieurs éditeurs (Cogis Industrie ou Slit, par exemple) ajoutent aussi un module annuaire, qui enrichit les informations relatives à un poste téléphonique (fax, portable, e-mail, service ou site). Connaître les destinations vers lesquelles les appels téléphoniques sont les plus nombreux constitue une aide à la décision considérable. Plusieurs éditeurs ont développé des modules capables de recalculer les coûts de communication dans un environnement multi-opérateur. La simulation tarifaire, que tous les éditeurs assurent effectuer, consiste à appliquer les tarifs actuels ou futurs des opérateurs aux communications réelles telles qu’elles ont été enregistrées par le logiciel à partir du PABX. ‘ Notre objectif est d’intervenir directement dans le choix des opérateurs ‘, insiste Florent-Eric Raugel. La simulation s’appuie sur la base de données enregistrant toutes les communications sur une période fixe. Les différents tarifs que l’entreprise envisage de choisir sont alors injectés, et la base de données recalcule les tarifs. A l’issue de cette étape, le client dispose d’un tableau comparatif lui indiquant les économies qu’il peut réaliser en fonction des tarifs proposés par les différents opérateurs, par rapport à sa situation actuelle.

Des rapports édités sous la forme de tableaux comparatifs

Les logiciels se différencient par le nombre d’opérateurs différents gérés simultanément (12 opérateurs simultanés chez Slit ; 6 chez Génie Télécom) et par le type et le nombre des différents paramètres de facturation employés par les opérateurs : zone tarifaire, volume, durée, plage horaire… Le résultat ultime de la simulation aboutit à l’édition de rapports, sous la forme de tableaux comparatifs, opérateur par opérateur. Reste à maintenir le paramétrage en mettant à jour régulièrement les grilles tarifaires des opérateurs, qui sont en perpétuelle évolution. Ces tables de tarification sont souvent très volumineuses et chaque changement de tarif oblige à refaire les tables de simulation. Il n’y a pas de recette miracle. Les pratiques varient selon les éditeurs. Dans le cas de simulation tarifaire, les entreprises réclament aux opérateurs la mise à jour des tarifs, que l’éditeur entre ensuite dans son logiciel aux fins de simulation. C’est la situation idéale, où le logiciel remplit le rôle de tiers de confiance entre le client et les opérateurs. ‘ On est très éloigné des tarifs publics. Pour 95 % des grandes sociétés qui sont nos clients, ce sont les tarifs négociés qui sont les valeurs à considérer ‘, précise Bernard Houlier. Certains logiciels possèdent, par ailleurs, des outils qui permettent de procéder rapidement à la mise à jour. Ainsi, chez Slit, un outil d’aide à la saisie des tarifs des opérateurs est fourni. Sur le logiciel Genitax, de Génie Télécom, un éditeur de tarifs aide à la simulation tarifaire. Avec Visual Taxe, de Cogis Industrie, ‘ les tables des opérateurs qui auront communiqué publiquement leurs bases tarifaires sont livrées en standard ‘, comme cela est précisé sur la documentation.

Des programmes parfois trop riches pour des PME-PMI

Aujourd’hui, ce marché est tenu par une petite dizaine d’éditeurs indépendants – en général de petite taille – tous français. Aucune société étrangère ne domine ni même ne tient, pour l’instant, le rôle d’outsider dans l’Hexagone. Certains d’entre eux se sont même regroupés au sein de l’association Mantel, afin de promouvoir leur activité. ‘ La gestion de la taxation laisse aujourd’hui la place à la gestion financière des télécoms des entreprises ‘, proclame-t-elle sur son site Web ( www.mantel.net). Recyclage à vocation marketing ou profession de foi sincère ? Les deux probablement. Autre particularité du marché : les fabricants de PABX sont relativement absents. Tous ont, bien sûr, à leur catalogue une offre de logiciels. Mais, à l’exception notable d’Alcatel – qui dispose de ses propres outils -, les fabricants ont recours à des versions OEM des logiciels des éditeurs français. Ainsi, Cieme fournit l’application de gestion des coûts du système d’administration du PABX 7430 de Matra Nortel Communications, tandis qu’Ericsson a opté pour le logiciel Taxinite, d’Axinite, rebaptisé Trafic Manager. Ces programmes sont-ils pour autant la panacée ? Certains pensent qu’ils sont surdimensionnés en termes de fonctions et de possibilités. ‘ Les logiciels de gestion de taxation PABX sont très complets, mais sans doute trop riches pour un certain nombre d’entreprises de petite taille. Ils produisent des informations que de petites ou moyennes entreprises ne peuvent pas appréhender. Qui peut utiliser sans l’intervention d’un spécialiste les nombreux graphiques que produisent ces logiciels, et en tirer réellement profit ? ‘, s’interroge Gilles Bragadir, directeur d’Optitel. Cette société a choisi de s’appuyer sur les factures télécoms papier des entreprises, qu’elle numérise pour obtenir ensuite des profils de communication individuels.

De la nécessité de mettre à jour les tables des PABX

Les logiciels de gestion de taxation ne sont pas non plus en mesure d’assurer un lien direct avec les logiciels internes au PABX de reroutage des appels sortants au moindre coût. A terme, il serait logique que le logiciel de gestion de taxation, via un lien informatique, puisse, à l’aide de ses propres bases tarifaires, mettre à jour les tables des PABX et activer la fonction de routage au moindre coût (LCR, Least cost routing), lorsqu’elle existe. Cela éviterait les ressaisies dans la chaîne des télécommunications. ‘ Nous touchons là un aspect important et politique du rôle d’un logiciel de gestion financière des télécoms, pour un installateur, un constructeur ou un opérateur et, dans ce domaine, chacun avance prudemment ‘, conclut-on chez Mantel.

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Frédéric Bergé