Explorer le corps humain sans examens intrusifs ou opérer avec une précision extrême, c’est ce que permet l’imagerie médicale.
C’est en étudiant les rayons cathodiques, les mêmes que ceux permettant à nos téléviseurs de créer une image, que le physicien allemand Röntgen découvre en 1895 un curieux phénomène. Bien qu’il ait placé du papier noir sur le tube cathodique, il constate qu’une plaque de carton recouverte d’un composé de baryum devient fluorescente. Pour étudier ce rayonnement inconnu, il lui soumet des objets qu’il tient dans la main. A sa grande surprise, l’image de ses os apparaît !Plus d’un siècle plus tard, en parcourant le service de radiologie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), on mesure les progrès accomplis en voyant un radiologue dicter son diagnostic à un logiciel de reconnaissance vocale face à une paire d’écrans monochromes de 22 pouces parfaitement calibrés. Sur l’écran, on découvre toutes les structures anatomiques du corps. Le radiologue s’y déplace à la souris parmi des centaines d’images, chacune représentant une tranche d’un millimètre, perpendiculaire à l’axe allant de la tête aux pieds.Ailleurs, un autre praticien examine un cerveau donnant une impression de relief surprenante : c’est une IRM (imagerie par résonance magnétique). A l’HEGP, toute l’image est acquise numériquement, hormis la mammographie qui rejoint le cycle numérique ultérieurement. Tous les radiologues ont été conquis. Pourtant, ces plongées à l’intérieur du corps n’ont pas immédiatement séduit. Quand la tomodensitométrie (le scanner) et l’IRM ont été présentés, la communauté scientifique n’y a accordé que peu d’intérêt, sans pressentir les progrès qu’ils allaient apporter dans l’aide au diagnostic ou au confort du malade.
Des unités de traitement spécialisées
Le dicton “il faut ouvrir pour voir” n’a plus court, grâce à la puissance informatique des circuits qui traitent les informations reçues sous forme de signaux électriques et les transforment en images. Il n’est plus question de PC ou de station de travail, mais d’unités de traitement spécialisées, intégrées aux équipements. Seule la consultation et l’exploitation ou la transformation des images sont ensuite réalisées sur des ordinateurs autonomes. C’est ainsi que les coupes transversales du corps sont regroupées pour former une image en 3D. En réalité, un scanner se compose de plusieurs centaines de coupes d’une épaisseur allant de 0,5 à 10 mm. Et toutes ces coupes sont enregistrées pendant un examen de quelques dizaines de minutes seulement.Ensuite, quand la représentation en 3D est obtenue, le médecin peut naviguer dans la trachée-artère, le colon ou l’aorte pour détecter toute anomalie à l’aide d’une caméra virtuelle. Sans pour autant faire subir une endoscopie à son patient. La radiographie classique, fondée sur les différences d’absorption des rayons X par les tissus du corps, n’a pas disparu pour autant. Le film radiologique a été remplacé par un système d’acquisition numérique.La première technique de numérisation a consisté à remplacer le film radiologique par un amplificateur de brillance qui capte les rayons X et active une plaque fluorescente. Cette dernière est filmée en vidéo et le signal est ensuite numérisé. Le procédé est en voie d’abandon, au profit d’une plaque réutilisable, qui stocke l’énergie lumineuse avant de la restituer pour numérisation.La dernière technique, plus directe, repose sur un capteur placé à demeure dans l’équipement de radiologie. Contrairement au film photographique, l’image numérique a une réponse linéaire, procurant une densité proportionnelle à la dose d’exposition. Il n’est plus nécessaire de refaire la radio si le film n’est pas correctement exposé, le logiciel de traitement d’image fournissant un résultat de qualité. Aujourd’hui, Fuji Medical System est capable d’atteindre une définition de 20 pixels par millimètre, soit plus de 500 p/p, pour une image en 4 728 5 5 928 pixels pour les mammographies.L’imagerie médicale exploite de nombreuses techniques, classées en deux catégories : imageries anatomique (ou structurale) et fonctionnelle. La première, à laquelle se rattachent la radiologie, le scanner, l’échographie et l’IRM, montre la structure du corps (taille et volume). La seconde, qui apporte aussi des informations anatomiques, reflète des fonctions : variations de débit sanguin, visualisation du fonctionnement des cellules osseuses, réactions des tissus à un produit radioactif. L’imagerie fonctionnelle repose souvent sur l’injection d’un traceur radioactif et l’enregistrement des rayons qu’il émet, dont l’intensité varie selon l’activité et le type de cellule. C’est la scintigraphie, ou encore la TEP (Tomographie à émission de positrons).Quatre grands fabricants se partagent le marché : General Electric, Siemens, Philips et Toshiba. D’autres, par exemple les entreprises spécialisées dans l’image photographique (Agfa, Kodak ou Fuji), ont développé les Pacs et la radiographie numérique. Quelques sociétés tirent leur épingle du jeu dans la CAD, ou Computer Aided Detection. La technique, qui en est à ses débuts, vise à faciliter le travail du radiologue : elle analyse les images et lui propose un diagnostic, notamment en mammographie et radiographie pulmonaire. L’intelligence artificielle et la reconnaissance des formes sont mises en ?”uvre.C’est ainsi que les programmes détectent les microcalcifications du sein, analysent leur forme et leur agencement et indiquent si le sein doit être surveillé. Leur efficacité est reconnue en mammographie, et on commence maintenant à les utiliser pour le dépistage des cancers précoces du poumon. Deus Technologies a conçu le système RS-2000, qui numérise les radios classiques. A l’intérieur de cet appareil, un processeur Pentium ainsi que le système d’exploitation Windows 2000 font fonctionner le logiciel d’analyse qui détecte les nodules pulmonaires suspects, jusqu’à une taille de 9 mm. Le système est en cours d’évolution, pour travailler à partir de radios numériques et de scanners.
Vers la radiographie qui soigne
La puissance informatique est maintenant suffisante pour analyser des millions de données de toute nature, après qu’elles ont été converties en numérique. Montrer l’anatomie ne suffit plus. L’imagerie sait interpréter des phénomènes au niveau des molécules, pour distinguer le métabolisme des cellules saines de celui des cellules malades, voire juger de l’efficacité de molécules médicamenteuses. La recherche s’oriente aussi vers des équipements combinant deux technologies, comme le PET-Scan, qui fournit une image précise et localise certaines tumeurs.Autre exemple : on commence à fusionner les images obtenues grâce à la magnétoencéphalographie et l’électroencéphalographie, deux méthodes enregistrant les champs magnétiques du cerveau. Cependant, le plus spectaculaire est la radiographie curative. On parle d’encapsuler une substance traitante au sein de microbulles constituées du traceur radioactif servant au repérage des zones malades. En voyant ces dernières sur l’écran, le radiologue pourra déclencher, par ultrasons par exemple, leur explosion pour libérer la substance curative. Tout cela parce que la technique informatique a fait de tels progrès qu’elle permet de traduire, en image et en temps réel, des informations qui n’ont rien de visuel.
Le Pacs
Abréviation de Picture Archiving and Communication Systems, le Pacs est l’architecture informatique qui permet de récupérer les images, de les archiver et de les mettre à la disposition des médecins et des spécialistes sur le réseau de l’entreprise ou sur le Net. Il repose sur le standard Dicom et se veut multivendeur, pour qu’un matériel General Electric connecté à un Pacs Agfa puisse produire des images imprimables sur un matériel Fujifilm ou consultable sur un PC sous Windows, comme c’est le cas à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Le Pacs réunit plus de 1 300 postes autour d’un réseau Ethernet à 1 gigabit, qui évoluera vers les 10 gigabits dans les prochaines années).Le Pacs doit aussi dialoguer avec le SIH (Système d’information hospitalier) et le SIR (Système d’information radiologique), orientés vers la gestion du patient et de ses examens. L’initiative IHE (Integrating the Health Care) vise à faire dialoguer ses trois entités.