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Les attaques pour viol de brevets ont coûté 29 milliards de dollars

Aux Etats-Unis, les plaintes pour viol de brevets détenus par des sociétés spécialisées dans la défense de la propriété intellectuelle ne cessent d’augmenter. Principales victimes, les petites et moyennes entreprises…

Depuis des années, des experts en droit, des institutions et des associations démontrent et clament que les brevets et toute l’économie qui s’est créée autour de ce principe de protection de la propriété intellectuelle nuisent à l’innovation. Une étude, publiée le 25 juin 2012, par la School of Law de l’université de Boston, pourrait bien apporter encore un peu plus d’eau à leur moulin.

Ce document dresse le bilan financier de ce que coûtent les brevets. Il se concentre sur ce que les patents trolls, ces sociétés qui déposent ou plus généralement achètent des brevets à seule fin de faire valoir leur droit à une rémunération, ont perçu en 2011.

Ces « entités sans réelle activité » (non-practicing entities, ou NPE, en anglais), comme les appellent les experts, ont récolté 29 milliards de dollars, environ 23,4 milliards d’euros, l’année dernière. Un montant estimé par James Bessen et Michael Meurer, les chercheurs auteurs de l’étude, qui résulte de quelque 5 842 affaires, concernant 2 150 entreprises. Une somme colossale que l’étude met en perspective. En 2005, ces mêmes acteurs n’avaient perçu que 6,6 milliards de dollars, soit environ 5,3 milliards d’euros.

Un fléau pour les TPE/PME

Les deux juristes précisent que ces 29 milliards de dollars ne prennent pas en compte les coûts collatéraux, liés par exemple au lancement retardé d’un produit ou à la perte de parts de marché. Par ailleurs, les auteurs de l’étude mettent en exergue un phénomène inquiétant : la plupart des entreprises attaquées par les patents trolls sont des petites ou moyennes entreprises. Ainsi, la compagnie « médiane » cumulait 10,8 millions de dollars de revenus annuels. 82 % des entreprises attaquées généraient moins de 100 millions de dollars de revenus.

James Bessen et Michael Meurer indique également que « nous n’avons trouvé que peu de preuves qui montrent que les NPE promeuvent l’innovation ». En effet, les actions de ces sociétés qui protègent certaines propriétés intellectuelles coûtent plus cher aux TPE/PME qu’elles n’en rapportent aux inventeurs. « Ce qui réduit le montant net que les entreprises de toute taille ont à investir dans l’innovation », continue l’étude. La plupart des attaques en justice pour viol de brevets se soldant par un accord pour quelques centaines de milliers de dollars.

Pour autant, les deux chercheurs signalent que certaines NPE « chassent le gros gibier et cherchent à trouver des accords amiables pour des dizaines ou des centaines de millions de dollars ».

Un système qui ne tourne pas rond

Pour les deux auteurs, ces dérives montrent clairement les soucis du système de brevets américains. Ils apportent ainsi leur voix à une tendance de plus en plus forte aux Etats-Unis.

Ainsi, en avril dernier, des chercheurs de la School of Law de la très renommée université de Berkeley, en Californie, publiaient un rapport pour une nouvelle approche des menaces des brevets. Dans un contexte où les défenseurs des brevets utilisent l’argument légèrement controversé de la nécessité de protéger sa propriété intellectuelle pour éviter qu’on ne la vole, réfutant l’aspect économique qui est souvent un vrai moteur, Jason Schultz et Jennifer Urban, de l’université de Berkeley, recommandent la création d’une licence défensive pour les brevets (ou Defensive Patent License, DPL). Inspirée de l’open source et des open innovation communities, cette licence fonctionne sur un principe qu’on pourrait résumer de manière simplificatrice en parlant de mutualisation des brevets. Une entreprise se lie à la DPL et met ses brevets au pot commun. Chaque entreprise qui y apporte les siens utilisera librement les brevets des autres sociétés. Ainsi, la notion de monétisation du droit d’utilisation est caduque et une des motivations des patent trolls étouffées dans l’œuf.

La Defensive Patent License pourrait donc être une issue vers un système plus sain où l’innovation est encouragée et la propriété intellectuelle reconnue. Reste que les parasites du système et ceux qui veulent verrouiller la création – ou ne veulent pas innover pour les autres, comme le disait Steve Jobs – risquent de ne plus y trouver leur compte.

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Pierre Fontaine