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La France ouvre doucement les vannes de la surveillance informatique

Le Sénat vient de voter une loi qui assouplit les procédures d’autorisation pour les écoutes des services de renseignement français. Les données pourront même être siphonnées en temps réel auprès des opérateurs.

Bientôt, les services de renseignement français auront peut-être les coudées plus larges au niveau de la surveillance informatique. Le Sénat vient en effet d’adopter une loi qui assouplit les procédures d’autorisations et élargit le rayon d’action des « interceptions de sécurité administratives », autrement dit des écoutes extrajudiciaires réalisées par les services secrets français.

Jusqu’à présent, ces écoutes sont réalisées selon deux dispositifs législatifs. Le premier est la loi du 10 juillet 1991, qui autorise les écoutes téléphoniques et la récupération des données de connexion, à condition de faire une demande auprès de la Commission nationale de contrôles des interceptions de sécurité (CNCIS). Cette autorité indépendante vérifie la légalité des interceptions. Elle est présidée par Hervé Pelletier, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Parmi ses membres figurent un représentant du Sénat (Jean-Jacques Hyest) et un représentant de l’Assemblée nationale (Jean-Jacques Urvoas).

Une première brèche avec la lutte antiterroriste

La loi de 1991 limite le cadre d’exécution de ces écoutes à certains domaines (sécurité nationale ; sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France ; prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous).

Un second dispositif a été créé avec loi du 23 janvier 2006. L’objectif était alors de simplifier la procédure d’autorisation pour les interceptions liées à la lutte antiterroriste. Il permet aux services de demander directement aux opérateurs des données de connexions. Une personne qualifiée placée auprès du ministre de l’Intérieur, mais nommée par le CNCIS, assure un contrôle de légalité à priori, la CNCIS n’assurant plus qu’un contrôle à posteriori. C’est un système plus souple, mais moins protecteur des libertés. Par ailleurs, il n’est que temporaire et doit devenir caduc fin 2014.

Les sénateurs ont profité du vote du projet de loi de programmation militaire (LPM) pour fusionner ces deux dispositifs. Résultat : à partir de 2015, les interceptions de sécurité administrative seront validées par une « personne qualifiée placée auprès du Premier ministre ». Cette personne sera nommée par le CNCIS, qui ne ferait alors plus qu’un contrôle à posteriori. Cette procédure assouplie ne sera pas seulement valable pour les demandes relatives à la lutte anti-terroriste, mais également à tous les autres domaines définis par la loi de 1991.

Numéro d’équilibriste

Par ailleurs, les services pourront désormais exiger des opérateurs les données non seulement sous forme « traitée ou conservée » mais aussi « en temps réel ». Dans ce dernier cas, il faudra apporter, en plus, une demande « écrite et motivée » de la part d’un ministre (sécurité intérieure, défense, économique ou budget). L’autorisation sera alors limitée à 10 jours, mais elle sera renouvelable. Au final, le projet de loi tel qu’il sera évalué prochainement par l’Assemblée nationale essaye à la fois de donner plus de libertés aux services de renseignement, tout en définissant un certain nombre de garde-fous plus ou moins précis. Un numéro d’équilibriste par forcément évident.

Lire aussi:

Un Prism à la française dans les sous-sols de la DGSE, le 05/07/2013
La DGSE exploite un article de loi pour aspirer légalement nos métadonnées, le 28/08/2013

Source:

L’examen du projet de loi sur Senat.fr

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Gilbert Kallenborn