Le soldat bionique, aux capacités décuplées, n’est pas seulement un bon sujet pour Hollywood. Le Pentagone aussi s’y intéresse vivement. C’est pourquoi il a demandé à ses chercheurs d’analyser les possibilités et les conséquences d’une telle technologie. Le résultat est un rapport d’une quarantaine de pages qui vient de paraître, intitulé « Cyborg Soldier 2050: Human/Machine Fusion and the Implications for the Future of the DoD ». Celui-ci estime que les organismes cybernétiques, autrement dit les humains auxquels ont a greffé des technologies mécaniques et électroniques, vont considérablement changer l’art de la guerre d’ici à 2050.
Le cas d’usage le plus révolutionnaire, mais aussi le plus hypothétique, serait celui du cordon neuronal, c’est-à-dire une connexion directe avec le cerveau pour réaliser des transferts des données haut débit dans les deux sens. L’idée n’est pas nouvelle. Elle est déjà étudiée par Neuralink, une société créée par Elon Musk.
Communication « de cerveau à cerveau »
Sur le champ de bataille, une telle interface permettrait aux soldats de mieux piloter les systèmes d’armement, qui deviennent de plus en plus complexes à manipuler. Elle permettrait également d’imaginer un nouveau mode de communication plus efficace entre les soldats cyborg, les échanges pouvant se faire directement « de cerveau à cerveau ». À quoi une telle interface pourrait-elle ressembler ? Difficile à dire. Actuellement, les chercheurs dans ce domaine développent aussi bien des techniques invasives, avec des broches implantées dans le tissu cérébral, que non invasives, avec des capteurs d’ondes cérébrales répartis autour du crâne.
Un autre cas d’usage mis en exergue est la greffe d’un œil bionique qui permettrait de renforcer la recherche et l’identification de cibles sur le terrain. Le remplacement total de l’œil pourrait, en outre, permettre l’absorption de données totalement différentes. L’œil bionique deviendrait alors une interface universelle unidirectionnelle. Reste à savoir si le cerveau serait capable de traiter ces nouvelles informations qui lui arrivent par le nerf optique. Ce sera probablement autrement plus difficile à gérer que les vomissements provoqués par les casques de réalité virtuelle…
Entendre les ultrasons et les infrasons
Le troisième cas d’usage identifié est celui de l’oreille bionique. En modifiant et/ou remplaçant les osselets de l’oreille moyenne et la cochlée, il serait possible d’augmenter la sensibilité de cet organe pour entendre des sons particulièrement bas. On pourrait également élargir le domaine des fréquences perceptibles, pour entendre les ultrasons et les infrasons. Autre idée : brancher sur l’oreille des dispositifs électroniques tiers pour, par exemple, intégrer des fonctions de traduction en temps réel ou de communication cachée.
Le dernier cas d’usage identifié est la programmation et le pilotage musculaire au travers d’un réseau de capteurs optogénétiques. L’optogénétique est une technique assez récente qui consiste à rendre les nerfs sensibles à la lumière par une modification génétique, puis de les stimuler au moyen de sources lumineuses implantées, telles que des fibres optiques. Cette technologie permettrait aux soldats blessés de retrouver tout ou partie de leur motricité. Elle permettrait également d’augmenter la dextérité et la précision des mouvements.
Malheureusement, le cyborg est effrayant
Mais les auteurs du rapport voient également toute une série d’obstacles à la diffusion de ces technologies, à commencer par la mauvaise image du cyborg dans les œuvres de science-fiction. Mis à part Steve Austin, qui valait trois milliards et qui était fort sympathique, les personnages cyborg sont plutôt effrayants. Le rapport suggère, par conséquent, de trouver d’autres ressorts narratifs pour rendre le cyborg plus amical.
Par ailleurs, il est probable que l’implémentation de technologies cyborg ne puisse se faire que sur la base du volontariat. D’après le rapport, les personnes saines de corps et d’esprit n’auront pas de véritable intérêt à sauter le pas. Seules les personnes blessées ou diminuées seraient finalement concernées.
L’apparition de cyborgs dans la société pose aussi toute une série de questions juridiques, éthiques et sécuritaires. Devrons-nous concéder à ces surhommes des droits et des responsabilités spécifiques ? Ne vont-ils pas provoquer des inégalités dans la société ? Ces surhommes ne représentent-ils pas un risque, s’ils sont « hackés » par un ennemi ou s’ils se retournent contre la société ? Etc. Nous avons maintenant trente ans pour trouver des réponses.
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