Pour les uns, c’est un premier pas vers une surveillance généralisée du web, pour les autres un nouvel espoir pour une rémunération de la création à sa juste valeur. La réforme très contestée du droit d’auteur dans l’Union européen vient en effet de passer un cap important avec l’adoption ce matin en commission des affaires juridiques de la nouvelle directive. Le vote du texte a été serré, avec 14 voix pour, 9 contre et 2 abstentions.
Ce nouveau projet de directive européenne, qui a fait l’objet d’âpres débats en commission, doit maintenant être entériné en séance plénière du parlement, où s’annonce une nouvelle bataille en juillet ou septembre. « Ce vote marque la première étape de la procédure parlementaire visant à adopter des législations sur le droit d’auteur adaptées aux défis d’internet. Les dernières législations traitant du droit d’auteur dans la société de l’information datent de 17 ans et l’internet d’aujourd’hui est fondamentalement différent de ce qu’il était en 2001 », a déclaré Axel Voss, rapporteur de la commission, dans un communiqué.
Taxer les liens
Deux articles ont particulièrement été contestés. Le premier est l’article 11 qui crée un droit voisin pour les éditeurs de presse. Il devrait permettre aux journaux, magazines et autres agences de presse – qui s’estiment pillés de leurs contenus par les agrégateurs d’information comme Google News – de se faire rémunérer. L’arrivée d’internet a en effet mis à mal le modèle économique traditionnel de la presse, les éditeurs voyant s’effondrer leurs ventes papier et leurs recettes publicitaires.
La directive pourrait créer ce que certains appellent une « taxe sur les liens » dans la mesure où il ne serait même plus possible de présenter des titres d’articles avec liens hypertexte sans l’accord de l’éditeur. Cet aspect est notamment critiqué par l’association OpenMedia au travers de sa campagne « Save the link ». Selon elle, l’article 11 vise à « taxer les liens » et a pour but « d’attaquer les moteurs de recherche et les agrégateurs ». Il compliquerait « l’utilisation des sites de partage de liens pour trouver le contenu » et ne bénéficierait qu’à une « petite poignée de conglomérats d’éditeurs puissants ».
Filtrage généralisé
Mais la partie du texte qui récolte le plus de critiques est l’article 13 : il contraint les grandes plateformes de partage de contenus de mettre en place un système de filtrage pour empêcher la publication de contenu protégé, à moins qu’il existe un accord de rémunération. Cet article inverse donc le principe en vigueur actuellement qui déresponsabilise l’hébergeur et ne l’oblige à supprimer un contenu protégé qu’après notification. Certains prestataires appliquent déjà ce type de filtrage. C’est le cas de YouTube avec son système baptisé « Content ID », basé sur la création d’empreintes et la détection de similarités.
Mais les détracteurs estiment que ce type de technologies industrialise le filtrage en l’automatisant à grande échelle. Dans une lettre ouverte, plus de 70 signataires – dont les pionniers Vinton Cerf et Tim Berners-Lee, mais aussi des personnalités comme Bruce Schneier ou Jimmy Wales – ont estimé que l’article 13 serait contraire à la Charte européenne des droits fondamentaux pour son atteinte à la liberté d’expression. Par ailleurs, ils pensent qu’il défavoriserait les petits acteurs de l’Internet qui ne pourraient pas se payer une telle infrastructure. L’article a également provoqué une levée de boucliers chez les organisations telles que l’Electronic Frontier Foundation, Mozilla ou la Quadrature du Net. Cette dernière estime en particulier que cette loi favoriserait mécaniquement une centralisation du web, en raison des coûts liés au filtrage.
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