Les Entretiens de Royaumont qui se sont tenus à Varsovie ce week-end ont soulevé des questions stratégiques sur les relations entre Américains et Européens. Le thème, « L’Europe et le numérique : une révolution ratée ? » ne pouvait que soulever le rôle des États-Unis en général et des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) en particulier. La réponse mérite d’être posée, car en plus de la dimension technologique, elle impacte la souveraineté européenne et son économie.
Le président des Entretiens, le député UMP Jérôme Chartier, a parlé d’un marché numérique « dominé par des groupes oligopolistiques », dans lequel « les États unis sont un géant et l’Europe est à genoux ».
Pour Jacques Attali, ancien président de la BERD, cette bataille est celle du « marché global qui gagne contre la démocratie locale ». Face à cette situation, « la réponse est le droit ». S’il admet les perspectives que la révolution numérique ouvre des perspectives intéressantes dans l’enseignement, la santé, la banque et la gestion de l’énergie, il rappelle les risques pour la protection de la vie privée et l’urgente nécessité d’y remédier par une législation appropriée.
« Le gagnant prend tout (winner takes all) », a-t-il souligné, avant d’appeler les Européens à faire des efforts non pour apprendre aux jeunes à coder, mais pour améliorer les études de mathématiques fondamentales, afin d’assurer l’avenir.
Y a t-il vraiment un colonialisme américain?
Face à ces affirmations, l’ancien ministre polonais de l’économie numérique, Michal Boni, a apporté une vision totalement opposée à ceux qui dénoncent ce « colonialisme » américain.
Pour ce spécialiste, il faut arrêter de reprocher aux leaders américains leur position en Europe et leur imputer la responsabilité de nos faiblesses. « Notre retard n’est pas dû à Google, Facebook ou Microsoft, c’est plutôt notre faute », a-t-il dit, avant de prôner une meilleure coordination entre la recherche et le monde des affaires.
Cette réaction n’a pas empêché François Fillon, ancien Premier Ministre, d’enfoncer le clou dans son discours de clôture. Pour lui, la domination des quatre grands groupes américains – Google, Microsoft, Facebook et Amazon – au partage du monde en sphères d’influence lui rappelle un à Yalta entre Churchill, Roosevelt et Staline, mais « sans De Gaulle ». Il a aussi déploré que le droit européen de la concurrence favorise en fait les grands groupes américains.
La synthèse des débats a été confiée à Maciej Witucki, président de la Chambre de commerce et d’industrie française en Pologne et ancien président d’Orange Pologne. Un exercice difficile après ces déclarations.
M. Witucki a donc décidé de résumer les discussions par des questions. « Google est-il un Grand Satan ou grand stimulateur américain ? Faut-il aller vers un plus grand rôle des États nations ou de l’UE ? Faut-il plus d’États dans le numérique ou moins d’États et plus de liberté pour les entreprises ? »
Présent lors de cette réunion, Benoit Thieulin, président du Conseil National du Numérique, n’est pas entré dans cette polémique. Il estime plutôt que le moment de passer à l’action est venu. « L’Europe doit décréter un plan d’urgence numérique dès 2015 », nous a-t-il indiqué. Pour cela, il appelle les différents États à plus de convergence sur les dossiers. « L’Europe a été un acteur dans la création d’Internet. Il est temps désormais qu’elle joue son rôle, car la situation n’est plus durable. »
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