À Douvrin dans le Pas-de-Calais, l’usine ACC née d’un investissement de Stellantis, TotalEnergies et de Daimler, a livré ses premières batteries de Peugeot e-3008 en décembre dernier. Nouveau porte-étendard de la gamme électrique de Peugeot, le modèle doit dépasser les 500 km d’autonomie grâce à une capacité de 73 kWh. Face à lui, un Renault Scénic E-Tech qui dépasse les 600 km, et une Tesla Model Y aux prix redoutables.
Mais pour Stellantis, aux commandes de Peugeot, la question des batteries n’est pas seulement une affaire d’autonomie et de prix. Elle est aussi une affaire de souveraineté. C’est pourquoi le groupe automobile a décidé d’ouvrir cette usine dans celle qu’on appelle désormais « la Vallée de la batterie » française. Elle n’est pas la seule, alors que l’on compte aussi Envision et AESC.
Pourtant, en 2024, un problème est apparu et pourrait compromettre l’investissement massif pour cette nouvelle industrie. En cause, une histoire de chimie. Alors que les batteries dites « NMC » étaient à l’honneur, voilà que les batteries dites « LFP » reprennent le dessus. Sauf que les usines françaises n’ont pas été prévues pour les produire. Derrière ces noms barbares, deux grandes familles de chimie de batterie lithium-ion.
Lire : Pourquoi ACC, l’Airbus européen de la batterie à mis ses usines à l’arrêt ?
Car si la batterie NMC (nickel-manganèse-cobalt) est devenue la star des marques, pour sa capacité à offrir un meilleur rendement (et donc plus d’autonomie), voilà que la batterie LFP (lithium-fer-phosphate) a évolué et fait depuis quelques temps son grand retour. Elle plaît pour ses coûts de fabrication plus accessibles, à l’heure où les constructeurs sont nombreux à vouloir proposer une voiture électrique à moins de 25 000 euros. Dans la Vallée de la batterie, la tension monte.
Si Douvrin doit rester une usine spécialisée dans les batteries NMC, voilà que le géant chinois du secteur, CATL, est entré en novembre 2023 en négociation avec Stellantis pour ouvrir un site spécialisé dans les batteries LFP en Europe. La demande est grandissante, à l’heure où le groupe lance sa voiture électrique la plus abordable, la Citroën ë-C3 (avec une batterie LFP). Renault, qui s’est distingué en annonçant sa R5 E-Tech avec une batterie NMC, semble aussi vouloir des batteries LFP.
NMC vs LFP : une cathode qui fait toute la différence
Batteries NMC et batteries LFP ne font pas jeu égal. Mais derrière leurs différences, une seule et même cathode. En effet, si nous parlons de deux chimies de batteries différentes, en réalité, il ne s’agit que d’un changement de conception de la cathode, l’une des deux électrodes qui composent une batterie (avec l’anode). Cela semble peu, mais les changements sont capitaux.
Les batteries NMC et LFP préfigurent ce que l’on appelle aujourd’hui la « batterie solide ». Dans son cas, la batterie solide se compose d’un électrolyte solide, généralement sous la forme de plaque de verre ou de gel. Avec lui, l’industrie compte repousser les limites de l’utilisation des batteries, avec de meilleures capacités côté autonomie, mais aussi et surtout une plage d’utilisation plus large côté température, et une puissance de recharge plus importante. Elle devrait arriver d’ici 2 ans sur le marché, au mieux.
En attendant la batterie solide, la batterie lithium-ion reste la référence. Mais toujours est-il qu’il faut choisir entre une batterie LFP et une batterie NMC. Comme nous allons le voir, leurs caractéristiques sont très différentes et offrent des avantages et inconvénients très distincts. À l’instar des industriels, il est important de connaître ces deux types de batterie en tant qu’automobiliste pour mieux comprendre et pouvoir choisir en connaissance de cause un modèle.
La batterie LFP
Une batterie moins chère et plus durable
La plus conventionnelle des batteries pour voiture électrique est la batterie LFP (lithium-fer-phosphate). Elle est aujourd’hui populaire pour ses attributs de batterie bon marché, accessible et capable de faire baisser le prix d’achat final, contrairement à une batterie NMC. Elle est aussi une batterie plus sécurisante, qui court beaucoup moins le risque d’incendie ou de surchauffe qu’une batterie NMC.
Enfin, la batterie LFP est plus simple à produire, avec moins de composants toxiques et coûteux. Avec la moitié de fer et l’autre de phosphate, il n’y pas ni cobalt ni nickel. D’un point de vue écologie, son recyclage n’est que plus simple. D’autant plus que son cycle de vie est bien plus élevé que celui d’une batterie NMC, est que ses consignes de recharge ne sont pas aussi strictes, notamment pour ce qui est de recharger au-delà de 80 %.
Une batterie moins efficiente ?
Malheureusement, la batterie LFP s’est fait voler la vedette par la batterie NMC pour des raisons d’efficience. En effet, sa densité énergétique est moins élevée, et on compte entre 150 et 220 Wh par kilos pour une batterie NMC contre 90 à 120 Wh par kilos sur LFP. Voilà pourquoi le marché se dirige de plus en plus vers une démocratisation des batteries LFP sur les petites voitures et le NMC pour les plus grandes (et les mieux équipées).
La batterie NMC
Une batterie plus performante
La batterie NMC (nickel-manganèse-cobalt) est pourtant meilleure pour ce qui est de la densité énergétique, un argument de poids à l’heure où le choix des batteries est avant tout un choix d’autonomie. Avec une batterie NMC, pour le même volume qu’une batterie LFP, on obtiendra une capacité plus grande. D’ailleurs, l’autonomie qui en sortira ne sera que meilleure, car la batterie NMC est moins sensible aux températures froides. Sous les 15 degrés, la déperdition sera donc moins élevée.
Face à une batterie LFP, nous devrions bientôt voir les batteries NMC devenir plus accessibles grâce à leur production française, comme Stellantis a commencé à le faire pour la Peugeot e-3008. Renault compte aussi prouver qu’une batterie NMC peut constituer le cœur d’une voiture à moins de 25 000 euros, à l’instar de la R5 E-Tech. Avec des prix plus élevés mais de meilleures performances qu’une batterie LFP, la batterie NMC semble donc avoir le meilleur jeu. Mais avant de lui ouvrir grands nos bras, parlons de ses défauts.
Une batterie plus fragile et risquée
La batterie NMC est en effet bien moins intéressante en matière de longévité, avec seulement entre 1000 et 2000 cycles de charge-décharge, là où une batterie LFP peut aller bien au-delà des 3000 cycles. Les précautions sont aussi plus nombreuses pour prendre soin de la batterie NMC, notamment celle de prendre l’habitude d’exploiter et de recharger la batterie entre 10 et 80 % plutôt qu’entre 0 et 100 %. Ceci pour limiter au maximum sa dégradation et prolonger sa longévité.
En termes de résistance à la chaleur, la batterie NMC inspire moins la confiance. Même si ses capacités sont supérieures par temps froid ou par temps chaud, elle court aussi un risque plus grand d’incendie ou de surchauffe que la batterie LFP. Sans incident, la batterie reste tout de même un problème en fin de vie, avec sa chimie toxique et plus difficile à recycler. En termes d’environnement, la batterie NMC est un non-sens. D’autant plus que les terres rares (comme le cobalt) qu’elle nécessite sont extraites dans des conditions difficiles et dangereuses.
Pourquoi la batterie LFP pourrait reprendre le dessus
Si la batterie LFP prend véritablement son envol, en retrouvant son aura face à la batterie NMC, les usines en France comme celle de Stellantis pourraient devenir obsolètes avant même de rentabiliser l’investissement de départ. Et la batterie LFP a de sérieux arguments pour plaire. On en compte trois principaux.
Tout d’abord, l’écologie. À l’avenir, les producteurs de batteries et les constructeurs devront certainement répondre à des normes de recyclage et de longévité, point sur lequel la batterie LFP prend les devants. On devrait bientôt voir les gouvernements exiger des voitures électriques qu’il reste au moins 80 % des capacités originelles après 10 ans d’utilisation. Rappelons que la batterie LFP peut tenir plus de 3000 cycles de charge et décharge, et que ses composants sont plus simples à recycler que ceux d’une batterie NMC.
Le second argument concerne l’efficience. La batterie LFP part avec un handicap : une densité énergétique moins élevée. Cela dit, elle se rattrape avec une sécurité renforcée et une gestion de la surchauffe plus maîtrisée. Cela veut dire que de plus en plus, les fabricants se mettent à rapprocher les cellules des batteries entre-elles, et qu’au final, le volume d’une batterie NMC n’est pas bien plus compact que celui d’une batterie LFP.
Enfin, les coûts. À l’heure où les constructeurs se tournent vers les voitures électriques d’entrée de gamme, l’idée de tailler dans les prix redouble d’importance. La question n’est plus d’offrir plus de 80 kWh de batterie, mais plutôt quelque chose autour des 40/50 kWh, qui ne coûterait pas trop cher. Tesla, Volkswagen, Citroën, Renault, Dacia… les constructeurs sont nombreux à tenter le coup, et les volumes ne pourront être que plus grands sur ce genre de segments, que la batterie LFP devrait récupérer.
Le directeur des achats et des approvisionnements de Stellantis, Maxime Picat, reconnaissait l’intérêt du premier groupe automobile mondial pour les batteries LFP. « C’est aujourd’hui la meilleure technologie qu’on puisse trouver sur le marché dans ce compromis entre l’autonomie et le coût », déclarait-il en novembre aux Echos. Cela dit, Stellantis reste très attaché à son usine de batterie NMC, avec laquelle elle confirme avoir un « carnet de commandes plein pour la période 2024-2028 ».
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
Non les batteries LFP n’ont pas une densité de 90 à 120 watts par kilo mais bien 200 watts !!! J’ai des cellules 977 watts qui pèsent 5 kg chacune…
On parle de batteries, pas de cellules individuelles. Il y a un bon 20% à ajouter avec le boîtier métallique , le bms et le cablage en cuivre.
Et même Wh…
Beau reportage ! On sent la profondeur d’investigation. Cependant, il manque une explication sur la différence de construction entre les deux méthodes. Et donc , pas d’explication sur le fait que Stellantis ne pourra pas passer d’une technologie à l’autre. Ça reste du ruban enroulé.
Quelques erreurs et approximations. On voit que l’article est à charge contre la technologie NMC.
Premier point : il n’y a aucune terre rare dans les batteries. Nickel, Manganèse comme Cobalt (et les autres composants) sont des métaux.
Autre point, les 80%. Ce seuil est surtout défini comme seuil pratique lors des recharges rapides; en effet, il faut approximativement le même temps pour charger les 20 derniers pourcents que les 80 premiers. C’est valable pour toutes les batteries et à peu près connu. Mais c’est encore approximatif de dire que c’est le seuil de stabilité maximale pour les NMC. Pour ma batterie par exemple le niveau de stabilité maximal est de 87%. Et rien n’interdit de charger une batterie NMC à 100%, il est juste déconseillé pour sa longévité de la stocker à 100%. Par contre, si vous démarrez sitôt à pleine charge, rien ne vous empêche de le faire chaque jour, en plus, la batterie sera chaude, “conditionnée” et le véhicule consommera moins (tip: charge normale à 80% et lancer la recharge vers 100% à votre réveil. En partant la batterie sera chaude et pleine charge).
Dernier point : le nombre de cycles. Les batteries Tesla sont garanties 8 ans (toutes), et 192.000 kms pour les NMC alors que ce n’est “que” 150.000 kms pour les LFP. Pourquoi ? Raison évidente : pour faire le même nombre de kilomètres une LFP à capacité moindre effectue bien plus de cycles de recharge. Et donc son avantage est ici annulé.
Dernier avantage des NMC : elles supportent mieux les variations de température comme le froid, comme vous l’avez mentionné, mais aussi le chaud. Du coup les recharges rapides se font à plus grande puissance pour les NMC.
Medci pour toutes ces explications. J’aime vos explications mois ideologiques que l’article. Et quand pn parle de terre rare 😞 les journalistes n’ont toujours rien compris.