ACC : ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il désigne la toute première « gigafactory » de l’Hexagone, ce terme utilisé par Elon Musk pour désigner ses usines géantes de batteries électriques. Ses portes se sont ouvertes ce mardi 30 mai, en grande pompe, à Billy-Berclau près de Douvrin dans le Pas-de-Calais, constituant la première pierre du projet qui ambitionne de devenir le champion européen de la batterie. « C’est un grand jour pour l’industrie française et un grand jour pour l’industrie européenne » qui permettra à terme de « gagner la bataille des véhicules du 21e siècle », s’est réjoui Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, dans son discours d’inauguration.
À Douvrin, avec la gigafactory que nous venons d’inaugurer, nous touchons du doigt le monde industriel de demain : propre, technologique et compétitif.
À la clé, 2 000 emplois d’ici 2030.
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) May 30, 2023
L’idée d’une gigafactory européenne est née il y a trois ans à peine pour mettre fin à la très grande dépendance des industriels européens vis-à-vis des fournisseurs asiatiques de batteries. Jusqu’à présent, les constructeurs européens sont contraints de s’approvisionner en majorité auprès de groupes chinois, coréens et japonais, qui représentent 85% de la production mondiale de batteries, explique Yann Vincent à la tête de la co-entreprise, cité dans le communiqué de ACC. Les industriels européens espèrent pouvoir prochainement compter sur des fournisseurs locaux, ce qui leur donnerait davantage de contrôle sur la chaîne d’approvisionnement en cas de pénurie ou de nouvelle pandémie, tout comme davantage de contrôle sur les prix. L’existence d’une filière européenne les mettrait aussi à l’abri de toute « interférence géopolitique », commente Yann Vincent, interviewé par Le Figaro. Comprenez : toute tension exacerbée avec la Chine qui ralentirait ou mettrait fin à la livraison de ces précieux composants.
Stellantis, TotalEnergies et Mercedes-Benz co-actionnaires de ACC
Le gouvernement compte faire sortir des usines françaises près de 2,5 millions de voitures électriques 100 % made in France d’ici 2030. Problème : créer une telle capacité de production en partant de zéro nécessite des investissements colossaux. On estime que la France et l’Europe auraient vingt ans de retard sur la Chine en la matière. En 2020, l’idée a alors été d’associer différentes entreprises européennes pour supporter et partager une telle charge.
Le coût total du projet de ACC (pour « Automotiv Cells Company ») avoisinerait les sept milliards d’euros, dont une partie a été supportée par les pouvoirs politiques allemand et français, à savoir, 800 millions d’euros pour Paris, et 500 millions pour Berlin. En 2020, Stellantis s’est alors associé à Saft, la filiale de TotalEnergies. Les deux partenaires ont ensuite été rejoints par Mercedes-Benz en septembre 2021, chaque élément du trio disposant de 33 % du capital de ACC. Les trois patrons de ces entreprises industrielles européennes – Carlos Tavares, Patrick Pouyanné et Öla Kalenius – étaient d’ailleurs présents ce matin pour l’inauguration de cet « Airbus des batteries », tout comme trois ministres : Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et Roland Lescure.
Les premiers lots livrés d’ici la fin de l’année
Sur ce site situé près de Lens, il aura fallu pour cette première étape 800 millions d’euros pour que le bâtiment de 640 mètres de long, de 100 mètres de large, et 35 mètres de haut prenne forme. Il en faudra bien plus pour la montée en puissance de l’usine où devraient s’activer près de 2 000 salariés. D’ici à 2030, ACC compte produire 120 GWh par an de cellules de batteries entre le site français et ceux de Kaiserslautern en Allemagne et Termoli en Italie. L’usine de Douvrin seule ambitionne d’atteindre les 40 GWh par an en 2030, approvisionnant près de 500 000 véhicules chaque année. Les premiers lots seront livrés d’ici fin 2023. Et d’autres projets devraient suivre pour construire les batteries électriques dans l’Hexagone et en Europe, un élément de la voiture électrique qui représente entre 30 à 40 % du coût d’un véhicule. Dans les Hauts-de-France que certains décrivent déjà comme « la vallée des batteries », trois autres usines sortiront bientôt de terre.
Sur le site de Douvrin désormais, l’heure est au rangement et à la remise en état. Après l’euphorie de l’inauguration, les responsables savent que les regards seront braqués sur eux dans les prochains mois. Au programme : faire démarrer les machines venues d’Asie, lancer les processus qualité, s’assurer d’un approvisionnement continu et surtout, se faire homologuer par les futurs clients… Bref, le plus dur reste à faire.
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