Vous connaissez Steve Hillage ? Si ce n’est pas le cas, cela n’a rien d’étonnant. Avant de devenir, dans les années 1980, producteur de musique, ce guitariste britannique officiait dans un groupe très
underground dénommé Gong. Si vous saisissez son nom dans le moteur de recherche de newsgroups de Google,
Google Groupes, vous obtenez une liste de dizaines de groupes de discussion dans lesquels Steve Hillage est cité. Pour les fans de ce guitar-hero, ce sont autant de sources
d’informations inestimables. Mais pas toujours infaillibles.Dans l’un de ces groupes, un internaute annonce qu’il a appris l’existence d’une vidéo de Steve Hillage en concert, enregistrée à la télévision allemande en 1977. Les réactions sont enthousiastes :
les fans demandent où dénicher la fameuse vidéo… mais aucun ne pense à effectuer une recherche sur le site YouTube, où ils obtiendraient une dizaine d’extraits de ladite vidéo, à consommer immédiatement.
A l’origine, un outil pour chercheurs
Cet exemple est révélateur de ce que sont les newsgroups actuels, à savoir des espaces virtuels d’échange d’informations entre spécialiste… parfois légèrement déconnectés de la nouvelle réalité
d’Internet.L’usage veut que l’on traduise ‘ newsgroup ‘ par ‘ groupe de discussion ‘, plutôt que par ‘ groupe de nouvelles ‘. Ces
groupes appartiennent au réseau Usenet, créé par un groupe d’étudiants américains en 1979, bien avant le World Wide Web (1991). Et, de fait, Usenet est indépendant du Web et même, en théorie, d’Internet, bien que désormais ce soit
ce dernier qui véhicule les messages des newsgroups.
Consultation libre
Le but initial de Usenet était de permettre aux étudiants et aux chercheurs de mettre en commun leurs résultats de façon claire, immédiate et en s’affranchissant des distances. Cet usage exclusivement scientifique fut rapidement
dépassé par son succès. Très rapidement, des milliers de newsgroups virent le jour, dans lesquels des internautes réunis par une passion commune échangeaient des informations sur des thèmes aussi variés que pointus.Aujourd’hui, on en trouve consacrés à peu près à tous les sujets imaginables, du traitement du signal à la bouture des orchidées, de la guerre en Irak aux derniers potins sur les stars de la TV, du bricolage à la théologie. Et
cela en plusieurs dizaines de langues.Avec le développement du Web, de nouveaux modes de communication ont vu le jour : le courrier électronique, les forums, puis les blogs quelques années plus tard. D’un usage plus simple et plus immédiat, ils ne signèrent pas
la fin des newsgroups, mais en ralentirent sensiblement l’activité. Pourtant s’il leur ressemble par certains aspects, le newsgroup se différencie de ces trois outils par quelques
particularités, qui constituent parfois des avantages. On peut le comparer à une boîte aux lettres électronique accessible à tous.En effet, la consultation des newsgroups est libre et gratuite, sauf pour certains groupes privés et confidentiels. Elle s’effectue à l’aide du logiciel de messagerie Outlook Express ou, plus
simplement encore, à travers un navigateur Internet, via le portail spécialisé Google Groups. Celui-ci propose de naviguer dans des centaines de milliers de groupes, classés par thèmes, langues, régions, etc. Il propose également d’y accéder
directement en tapant leur adresse dans un moteur de recherche spécialisé.
A l’origine, les adresses des newsgroups se composaient de plusieurs termes ou abréviations séparés par des points. Le premier indiquait son thème général : ‘ comp ‘ pour
l’informatique (computer), ‘ rec ‘ pour l’art et les divertissements (recreation),
‘ sci ‘ pour les sciences, etc. L’indication du
pays d’origine (‘ fr ‘ pour la France, ‘ de ‘ pour l’Allemagne) figurait parfois au début ou à la fin. Par exemple, l’adresse ‘ fr.rec.music.beatles ‘
pourrait être celle d’un groupe de discussion français, ayant pour thème la musique des Beatles. Toutefois, aujourd’hui de nombreux groupes ont des adresses structurées différemment (http://groups.google.fr/group/zapinfrance, par exemple).
La pérennité en plus
Un groupe de discussion se présente sous la forme d’une liste de messages, classés par ordre chronologique inverse, sur lesquels il suffit de cliquer pour afficher le contenu des articles. Ceux-ci sont composés de texte brut,
sans aucun enrichissement typographique. Une austérité qui tranche avec l’aspect coloré de certains forums. Mais, au-delà de la présentation, il existe des différences de fond entre ces deux formes de communication.La première concerne la recherche. Les newsgroups étant fédérés par un réseau distinct du Web (Usenet), les moteurs de recherche habituels ne les prennent pas en compte : seul celui de Google Groupes peut y
dénicher une information. Par ailleurs, la durée de vie d’un article de newsgroup est supérieure à celle d’un message déposé sur un forum, ou à celle d’une contribution apportée à un blog.En effet, la quasi-totalité de ces articles est archivée, ce qui permet d’en retrouver certains vieux de plus de quinze ans. C’est le cas de l’article ‘ historique ‘ reproduit ci-dessous.
Posté le 6 août 1991 par le Britannique Tim Berners Lee, alors chercheur au Cern, il annonce la création du World Wide Web, dont cet ingénieur visionnaire est l’inventeur :
Contrairement à leur simple lecture, la participation active aux newsgroups (ajout d’articles, téléchargement, création de nouveaux groupes) nécessite une inscription, l’usage d’un logiciel
spécialisé (voir l’encadré ci-dessous) et même, parfois, le versement d’une cotisation. C’est le cas notamment avec certains binaries, des newsgroups ainsi nommés parce qu’ils
permettent de transférer des fichiers de données binaires en pièces jointes. Les plus structurés proposent même des milliers de fichiers multimédias (musique, images, films) en téléchargement.Ce faisant, non seulement ils s’écartent du but et du format (le texte brut) originels du réseau Usenet, mais de plus ils plongent dans l’illégalité ?” surtout s’ils sont payants ?” et se
transforment en véritables repaires de pirates. Non sans un certain succès, il faut le reconnaître, grâce à des vitesses élevées de transfert de données. Pour cette raison, certains fournisseurs d’accès à Internet bloquent l’accès à
ces sites binaires.
La parole aux experts
Résumons-nous : les newsgroups sont plus compliqués à utiliser que les forums et les blogs, limités au format texte, exclus des moteurs de recherche habituels, souvent trop renfermés sur eux-mêmes et parfois
illégaux. Alors, présentent-ils encore un intérêt ? Nous sommes tentés de répondre positivement, pour deux raisons.La première, purement technique, est leur indépendance vis-à-vis du Web, qui leur permet d’être épargnés par les ralentissements chroniques de celui-ci, les virus qui y circulent et les personnages malveillants qui y sévissent.
La seconde raison est avant tout pratique. Bien que sévèrement concurrencés par la progression fulgurante du Web, que des milliers de pages viennent enrichir chaque jour, les newsgroups restent les champions incontestables de
l’information spécialisée, ciblée et vérifiée par des experts.Un contenu dont vous ne trouverez probablement l’équivalent sur aucun forum ni aucun blog, quelle que soit votre passion.
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