Le fléau de la pédopornographie reste, plus que jamais, d’actualité. Les chiffres, malheureusement, sont là pour le montrer. A l’occasion d’une conférence de presse, l’Association française de fournisseurs d’accès et de services Internet (AFA) constate ainsi un doublement des signalements qualifiés en l’espace d’un an, passant de 550 en 2013 à 1.094 en 2014. Et le signalement de contenus illicites n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour voir la réalité de la situation, les forces de police sont obligées de scruter minutieusement la Toile, voire infiltrer des réseaux en ligne. « C’est l’explosion, et pas seulement au niveau de la diffusion de fichiers existants, mais aussi de la création de nouveaux contenus, et donc de nouvelles victimes », souligne Adèle Désires, officier d’analyse criminelle (Criminal Intelligence Officer) chez Interpol, à l’occasion de cette même conférence.
Plus de 100.000 images répertoriées
Pour lutter contre ce raz-de-marée, les policiers d’Interpol sont en train de travailler sur une nouvelle parade qui s’appelle « Baseline Project ». L’idée est de constituer une base de données internationale d’empreintes numériques de photos et de vidéos pédopornographiques, et la diffuser auprès des acteurs du Net pour qu’ils puissent faire le ménage. Ces empreintes sont issues de fonction de hachage cryptographique telle que MD-5, SHA-1 ou SHA-256. La technologie utilisée pour créer cette base de données est fournie par la société islandaise Videntifier. « Avec Baseline, notre objectif n’est pas de bloquer l’accès à un site, mais de bloquer l’accès au contenu même, la photo ou la vidéo, où qu’elle soit distribuée, sur un site web ou ailleurs. Le but est d’éviter la diffusion et la distribution de ces contenus », précise Adèle Désires.
Baseline s’appuie évidemment sur les bases de données existantes des 45 pays connectés, comme celle du Centre national d’analyse des images pédopornographiques (CNAIP) en France. Plus de 100.000 images ont ainsi déjà été sélectionnées et répertoriées. Les signatures de ces fichiers seront ensuite mises à disposition des fournisseurs de services Internet pour qu’ils puissent les intégrer dans leurs propres outils de veille. Les acteurs concernés sont avant tout les hébergeurs, les FAI, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche.
5.951 victimes identifiées
Reste à savoir comment ce filtrage va se faire concrètement. Les policiers, de leur côté, aimeraient évidemment pouvoir filtrer l’ensemble des flux web à la volée. Mais il n’est pas certain que ce soit réellement possible au niveau des infrastructures techniques. Pour un acteur comme Facebook, cela ne devrait pas trop poser de problème, car il a la maîtrise totale du contenu affiché. Pour un FAI, en revanche, il paraît compliqué de « bloquer l’accès à du contenu illicite » de manière aussi fine, à moins de se doter d’une plateforme de surveillance de type « Deep Packet Inspection ». La manière dont ce filtrage se mettra en place dépendra aussi des législations nationales en la matière.
Soulignons, enfin, que ces nouvelles techniques d’analyse d’image et la mise en partage des bases de données ne servent pas seulement à filtrer le web, mais aussi à identifier les victimes. « Aux Pays-Bas, un enfant de 18 mois a pu être identifié grâce au pull qu’il portait sur les images, qui n’était disponible que dans une région bien précise », souligne Adèle Désires. L’analyse technique permet aussi d’associer chaque image à un appareil photo/vidéo particulier, un peu comme avec les balles et les armes à feu. Grâce à ces différentes techniques de recoupement, Interpol a pu identifier, à ce jour, 5.951 victimes dans le monde. Mais il reste toujours plus de 30.000 victimes inconnues dans les bases de données des polices.
Sources :
Commission européenne, Videntifier, Interpol
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