Lors de sa création en 1998, la technologie Bluetooth était principalement destinée à assurer une liaison sans-fil pour les appels téléphoniques entre une oreillette et un téléphone mobile. Cela ne nécessitait pas une grande qualité sonore, mais le standard a ensuite évolué et permet désormais de connecter votre ordinateur portable ou votre appareil mobile à une multitude de dispositifs audio : enceintes portables, écouteurs ou casques sans-fil. Les ingénieurs ont alors été confrontés au problème suivant : comment transmettre de l’audio en Bluetooth avec une bonne qualité. Ils ont donc conçu un système de codage/décodage des données audio qui s’effectue grâce à un codec (codeur/décodeur). Notons qu’il existe des codecs pour l’audio, mais aussi pour la vidéo.
Le premier codec audio Bluetooth est apparu en mai 2003 sous l’acronyme SBC (Sub-band Codec) et continue à être utilisé actuellement, car il est obligatoire sur les appareils audio Bluetooth. Mais depuis, d’autres codecs ont été mis sur le marché et il devient difficile de savoir lequel il faut utiliser.
Préambule : le codec Bluetooth ne fait pas tout
La qualité de l’écoute de la musique sur un périphérique Bluetooth dépend de nombreux facteurs :
- Enregistrement et mixage de la musique d’origine.
- Mastering (optimisation des fréquences et de la dynamique).
- Éventuelle compression audio pour le stockage ou pour la diffusion.
- Éventuelle compression audio pour la transmission Bluetooth.
- Qualité sonore de l’appareil de restitution.
- L’auditeur.
Par exemple, une chanson mal enregistrée aura un rendu décevant, même si vous l’écoutez sur une chaîne Hi-Fi haut de gamme. Et un fichier MP3 surcomprimé aura un mauvais son, même si la transmission Bluetooth est excellente. Car la compression peut jouer un rôle important dans la perte qualité du son. Il existe deux types de compression :
- La compression lossless (sans perte) : par exemple les fichiers ZIP, FLAC ou ALAC. Il n’y a aucune perte d’information et on retrouve les données à l’identique lors de la décompression.
- La compression lossy (avec pertes) : par exemple, les fichiers JPEG, AAC ou MP3. Plus la compression est élevée, plus on perd de l’information, donc de la qualité.
Si le son est stocké sans compression sur les CD audio, celle-ci est devenue nécessaire pour créer des fichiers de plus petite taille, tout d’abord pour le stockage local (fichiers MP3), puis pour les services de streaming. Il faut donc bien distinguer l’encodage appliqué initialement au fichier audio (MP3, AAC, Ogg Vorbis, FLAC, ALAC, etc.) et celui utilisé pour transmettre le son en Bluetooth vers le casque ou l’enceinte.
Son HD contre son lossless
A l’origine, les CD audio utilisaient une numérisation sur 16 bits et à 44,1 kHz, sans compression (lossless), ce qui était suffisant pour la plupart des auditeurs. Mais les techniques d’enregistrement numérique ont évolué et permettent désormais de monter à 24 bits et jusqu’à 192 kHz. Ainsi, on qualifie de son haute définition (ou hi-resolution, en anglais) une numérisation sur plus de 16 bits ou à plus de 44,1 kHz. Un des formats les plus connus est l’encodage 24 bits/96 kHz. Mais la transmission du son haute définition, soit en streaming, soit en Bluetooth, ne peut hélas pas se faire sans utiliser une compression de type lossy, c’est-à-dire en supprimant de l’information.
La jungle des codecs Bluetooth
Lors de l’encodage avec un codec, trois paramètres interviennent :
- La fréquence de l’échantillonnage, par exemple 44,1 kHz ou 96 kHz.
- La profondeur de l’échantillonnage, par exemple 16 bits ou 24 bits.
- Le débit en kbit/s ou en Mbit/s : cette donnée est importante pour les codecs lossy, car plus le débit est faible, plus la compression est forte, ce qui entraîne une dégradation de la qualité. Notons que le débit peut être fixe ou variable (VBR).
Il existe quatre principaux codecs audio sur le marché, SBC, AAC, aptX et LDAC, dont voici le détail :
SBC
C’est le plus rustique des quatre. Ce « Sub-band Codec » est celui par défaut inclus dans l’Advanced Audio Distribution Profile (AD2P), le service du standard Bluetooth permettant d’y faire transiter le son. Absolument tous les casques et écouteurs Bluetooth sont donc compatibles avec ce codec. En théorie, le SBC permet des débits allant jusqu’à 328 kbit/s à 44,1 kHz, voire jusqu’à 345 kbit/s à 48 kHz. Dans la pratique, de nombreux constructeurs le limitent à environ 256 kbit/s pour obtenir plus de stabilité en environnement saturé d’ondes.
Le SBC n’est pas considéré comme un codec très qualitatif, car il est destructeur d’information (lossy), tout comme le MP3. Cela pose un problème, parce qu’en cas de chute du débit, par exemple à 128 kbit/s, le taux de compression très élevé engendre une perte de qualité importante. Ce type de problème survient sur les smartphones bas de gamme incapables d’assurer une bonne liaison Bluetooth.
Il est bon de connaître l’existence du SBC, mais il est préférable de l’éviter si vous avez le choix. Quels que soient les appareils Bluetooth que vous achèterez, ce codec y sera intégré par défaut, en attendant l’arrivée prochaine du codec LC3, plus performant, qui devrait lui succéder.
AAC
Pour beaucoup, l’AAC est indissociable d’Apple. En effet, c’est ce codec qu’a choisi Steve Jobs pour lancer son iTunes Store. C’est aussi celui qui est utilisé dans tous les appareils du constructeur, ainsi que dans le cadre du service de streaming musical Apple Music. Pourtant, cet « Advanced Audio Coding » est bel et bien un standard ouvert à tous, tiré de la partie audio du MPEG-4. Il a l’avantage, par rapport au MP3 (ou au SBC) d’être moins destructeur d’informations malgré une compression à peu près similaire. Le débit de transmission de l’AAC en Bluetooth est généralement de 256 kbit/s, ce qui lui permet une très bonne stabilité.
De plus, le codec Bluetooth AAC est idéal pour écouter un fichier audio AAC, car cela évite un processus de réencodage avant la transmission en Bluetooth. Si vous avez un iPhone, un iPad ou un Mac, il est donc conseillé de vérifier que votre casque ou vos écouteurs sont compatibles AAC, ce qui est le cas des modèles d’Apple, mais aussi d’autres constructeurs.
aptX
L’algorithme du codec aptX a été développé initialement dans les années 80, mais le codec n’est vraiment apparu qu’en 2009, pour offrir une alternative robuste à la médiocrité potentielle du codec SBC. Il offre un encodage sur 16 bits et un débit constant de 325 kbit/s (44,1 kHz) ou 384 kbit/s (48 kHz). Son brevet a navigué depuis, de rachat en rachat de société, pour terminer en 2015 dans l’escarcelle de Qualcomm.
En 2012, le codec aptX Low Latency (ou aptX LL) est lancé pour offrir une faible latence, une donnée cruciale dans les jeux et les vidéos pour éviter d’avoir un décalage entre le son et l’image. Il offre un encodage sur 16 bits et un débit de 352 kbit/s. En 2016, l’aptX HD permet en théorie de transmettre de l’audio 24 bits à 48 kHz, grâce à son débit constant élevé de 576 kbit/s. En 2018, Qualcomm décide de créer un codec « tout-en-un » et le baptise aptX Adaptive. Celui-ci adapte son débit à la qualité de la liaison Bluetooth afin d’offrir la meilleure qualité sonore. Il peut aussi fonctionner en mode aptX et aptX HD pour rester compatible avec les anciens appareils.
Le codec aptX Adaptive est mis en œuvre dans la plate-forme Snapdragon Sound. Celle-ci utilise des puces Qualcomm dans les appareils mobiles et les périphériques audio pour offrir une liaison optimale en Bluetooth. Enfin, la dernière pierre de l’édifice est le codec aptX Lossless qui offre une transmission en 16 bits et 44,1 kHz sans perte. Ce codec est inclus dans l’aptX Adaptive, dont le débit peut désormais aller de 140 kbit/s à environ 1 Mbit/s.
Les codecs aptX sont présents en particulier dans les appareils qui utilisent des puces de Qualcomm. Vous le trouvez par exemple dans les smartphones équipés de SoC Snapdragon. Mais attention, tous les appareils n’ont pas le même type d’aptX. Ainsi, l’aptX Lossless est pour le moment présent dans peu de smartphones.
LDAC
Créé par Sony en 2015, ce codec est conçu pour offrir une excellente qualité sonore. Son débit peut monter en conditions idéales à 990 kbit/s, pour gérer par exemple de l’audio 24 bits à 96 kHz. Et il peut même transmettre un fichier audio en qualité CD (16 bits à 44,1 kHz) sans perte de qualité, en utilisant une compression lossless.
Par rapport à l’aptX HD, le LDAC a l’avantage de pouvoir faire varier le débit (bitrate en anglais). Il dispose pour cela de six niveaux : 303, 606 ou 909 kbit/s à 44,1 ou 88,2 kHz, et 330, 660 ou 990 kbit/s à 48 ou 96 kHz. Dans un environnement instable saturé de connexions Bluetooth, on peut donc espérer pouvoir bénéficier malgré tout de ce codec, sans basculer brusquement sur du SBC.
Le LDAC permet à Sony d’apposer sur les appareils compatibles le label « Hi-Res Audio » défini par la Japan Audio Society. Ce label est décerné aux appareils qui peuvent gérer du son haute-définition, sans pour autant tenir compte de la qualité de la restitution. S’il n’est pas usurpé en matière de débit transmis, certains casques ou enceintes d’entrée de gamme ne pourront toutefois pas reproduire une qualité Hi-Fi, étant donné la faible qualité des haut-parleurs qu’ils emploient. Attention donc, ne vous attendez pas à entendre forcément un son d’exception, malgré ce label.
Enfin, le LDAC est très gourmand en énergie. Nos tests montrent par exemple une réduction d’environ un tiers de l’autonomie d’un casque ou d’écouteurs en utilisant ce codec. La qualité se paye ainsi en matière d’endurance…
Les autres codecs
Il existe sur le marché d’autres codecs audio Bluetooth, nettement moins répandus que les quatre que nous venons de citer plus haut. Ainsi, le codec haute définition LHDC (Low Latency High-Definition Audio Codec) est un concurrent au LDAC de Sony. Il est surtout présent sur les smartrphones Oppo et Huawei. Ce dernier a aussi lancé son propre codec HD L2HC pour ajouter à la confusion. C’est également le cas de Samsung avec le codec 24 bits SSC (Samsung Seamless Codec), présent sur les derniers smartphones Galaxy S22 et sur les écouteurs Galaxy Buds2 Pro.
Le problème avec le Bluetooth
Il est très intéressant que connaître les qualités et les défauts de tous ces codecs, mais il faut savoir une chose avec le Bluetooth. Comme toutes les connexions sans-fil, il est instable, en particulier dans un environnement où se trouve une multitude d’autres d’appareils utilisant les ondes radio.
Le problème est que l’utilisateur n’est que rarement au courant du codec choisi par le casque et l’appareil mobile. Seules quelques applications fournies par les constructeurs de casques et d’écouteurs permettent de la savoir. C’est par exemple le cas de l’excellente application Headphones Connect de Sony. Elle propose même de forcer un casque à rester en LDAC malgré les perturbations environnantes, avec le risque d’entendre des coupures au milieu de la musique qu’on écoute.
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