Déplacer un engin spatial avec de l’eau ne relève plus de la science-fiction. Dans une grande première scientifique, les ingénieurs de l’agence spatiale japonaise (JAXA) ont développé un système de propulsion à eau qui a réussi « la première opération de contrôle d’orbite au-delà de l’orbite terrestre basse utilisant un système de propulsion à eau ».
L’histoire qui est en cours commence avec le lancement du vaisseau Orion de la mission Artemis de la Nasa. La fusée SLS qui a envoyé Orion autour de la lune est un engin surpuissant, mais qui est sous utilisé dans le cadre de la mission – ni hommes, ni vivres à bord, alors que c’est le but final de la mission Artemis. Aux côtés d’Orion, d’autres missions sont de la partie, comme le satellite compact (de type CubeSat 6U) EQUULEUS (1) de la JAXA. De son nom complet EQUilibriUm Lunar-Earth point 6U Spacecraft, ce minisatellite embarque un système de propulsion appelé AQUARIUS (2) pour «AQUA ResIstojet propUlsion System » (système de propulsion par résistojet à eau).
Le système est connu : inventé par la canadienne Yvonne Brille, ce système a cependant été limité à de petites corrections de trajectoires de satellites autour de la Terre. Mais dans le cas d’EQUULEUS, il s’agit d’aller bien plus loin, c’est-à-dire dans l’un des cinq points de Lagrange entre la Terre et la Lune. Un point d’équilibre entre les deux corps célestes dont on a parlé récemment, car c’est ici que siège le James Webb Space Telescope. Un point situé à 1,5 million de kilomètres de notre planète, où il pourra rester sans trop de corrections de trajectoire.
Lire aussi : Ils ont caché leur malware dans cette célèbre photo du télescope James Webb (sept. 2022)
AQUARIUS n’utilise donc pas le carburant classique des autres satellites : l’hydrazine. Elle aussi liquide et transparente et dotée de nombreuses propriétés chimiques similaires à l’eau (densité, viscosité, température de solidification, etc.), l’hydrazine est un supercarburant. Dans l’espace, on utilise sa dissociation quand elle est mise en présence de chaleur et d’un catalyseur pour propulser le corps à mouvoir. Mais si les satellites l’adorent, les humains l’aiment moins : elle est très toxique et très polluante. Et il lui suffit de l’oxygène de l’air et de la moindre particule de catalyseur (une simple poussière de rouille) pour s’enflammer. En cas d’erreur de manipulation à l’état liquide, l’hydrazine agit comme un neurotoxique. Et en cas de feu, c’est une flamme invisible ultra chaude qui brûlera peau et voies respiratoires en une poignée de seconde.
C’est là qu’AQUARIUS et son résistojet entrent en jeu. Car le carburant consiste en l’équivalent d’une bouteille d’eau – 1,2L pour être précis. En utilisant la chaleur dégagée par les composants électroniques du système de communication, AQUARIUS transforme l’eau en vapeur d’eau. AQUARIUS injecte de l’eau dans un réservoir qui va la pressuriser. Puis des micro-gouttelettes vont passer par une chambre de vaporisation (c’est à ce moment que la chauffe intervient) pour être éjectées dans l’espace. Produisant ainsi une poussée modeste, mais capable de tenir longtemps dans la durée.
Si ce n’est pas avec ce genre de système que l’on peut s’arracher de l’orbite terrestre, AQUARIUS est néanmoins un système de propulsion clé dans l’espace. Où chaque modification de trajectoire consomme de couteux et parfois dangereux carburants. À côté desquels l’eau est à la fois moins chère, en abondance (sur Terre au moins !) et totalement sans danger dans la manipulation. Il reste à voir comment la mission EQUULEUS va se terminer pour savoir si, dans un futur proche, l’eau sera bien à la source des systèmes de propulsion secondaire de nos futurs engins spatiaux.
(1) : nom de la constellation du “Petit cheval”
(2) : nom de la constellation du “Verseau”
Note : les ingénieurs japonais sont peut-être des fans des chevaliers du Zodiaque ?
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
Source : The Register