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Avec Commerce One, SAP relance sa stratégie

L’éditeur allemand vient enfin de signer un partenariat technologique, commercial et financier avec Commerce One. Concurrents jusqu’alors, ils apparaissent désormais extrêmement complémentaires. SAP, surtout, bénéficie d’une offre de commerce électronique à la hauteur de ses ambitions.

On l’attendait à Berlin, ce fut à Las Vegas. C’est en effet à l’occasion de la version américaine du SAPphire, la grand-messe annuelle de SAP, que ce dernier et Commerce One ont annoncé leur alliance. Le géant allemand du PGI (progiciel de gestion intégrée) et le spécialiste américain du commerce électronique vont développer une plate-forme commune pour le commerce interentreprises (B to B). Celle-ci devrait être disponible d’ici à la fin de l’année. Elle empruntera autant aux technologies développées par SAP (le portail mySAP. com permettant de connecter via le Web le système d’information de l’entreprise au monde extérieur, les modules de gestion logistique ou de relation client, le PGI R/3) qu’à celles de Commerce One (la suite MarketSite, avec ses fonctions de gestion de catalogue autour du référentiel XML xCBL, ou des procédures d’enchères). Le principal défi que devront relever les deux éditeurs sera l’intégration entre toutes ces technologies pour proposer une solution complète, cohérente et efficace. Pour sceller cet accord et accélérer le développement de son nouveau partenaire, SAP à en outre investi 250 millions de dollars (1,7 MdF) dans Commerce One, ce qui établit sa participation à 4 %.
Cet accord doit permettre aux deux éditeurs de faire face à l’explosion des places de marché sur Internet. Ces sites Web, indépendants et opérant sur des marchés verticaux ou créés à l’initiative de très grands groupes, proposent aux entreprises de réaliser des transactions en ligne avec leurs par- tenaires. Gestion des appels d’offres, enchères, suivi des livraisons et des règlements, les places de marché doivent être capables d’aller au-delà de la simple mise en relation d’un acheteur et d’un fournisseur. C’est pourquoi elles relèvent autant d’une maîtrise des processus classiques de l’entreprise que de problématiques techniques propres à Internet. C’est à ce niveau que se situe la complémentarité entre deux acteurs qui se présentaient jusqu’à présent comme concurrents.
Un réseau mondial de quarante places de marché
En effet, avec sa solution my-SAP.com, SAP s’était engagé dans la création de places de marché, spécialité de Commerce One. Et, malgré quelques beaux contrats, les résultats n’étaient pas à la hauteur de ses attentes, notamment aux Etats-Unis. Or, depuis l’accord conclu entre IBM, i2 et Ariba, le combat devenait difficile pour des acteurs isolés dans un domaine où la taille et la vitesse sont des paramètres critiques. Pour la vitesse, SAP avait réagi en créant une filiale baptisée SAPMarkets, basée aux Etats-Unis et spécifiquement dédiée à cette nouvelle activité. Concernant la taille, SAP et Commerce One avaient tout intérêt à s’allier, le premier apportant sa base installée et sa force de consulting, le deuxième son réseau mondial de GlobalTradingWeb de quarante places de marché. Enfin, SAP va bénéficier de l’image positive et novatrice de Commerce One, un atout peut-être décisif dans la rude bataille commerciale qui s’annonce.
Lourd, conservateur, SAP était en effet jusqu’à cet accord en première ligne des critiques adressées aux éditeurs de PGI. Ces dernières années, ceux-ci étaient devenus les interlocuteurs privilégiés des entreprises pour les accompagner dans leur développement. Mais, inévitablement dépassés par l’emballement frénétique des technologies, ils semblaient de moins en moins capables de répondre aux préoccupations de leurs clients (lire également page 36). C’est en partie ce qui explique le succès de solutions plus spécifiques et plus rapides à déployer telles que la gestion de la chaîne logistique (SCM), de la relation client (CRM) ou, justement, les solutions de commerce électronique interentreprises (B to B). La plupart des éditeurs, à l’exception notable de SAP et d’Oracle, avaient d’ailleurs déjà entrepris leur mue, abandonnant l’idée de tout faire seuls dans une seule solution globale. C’est ainsi que J. D. Edwards avait racheté Numetrix, spécialiste du SCM, que PeopleSoft s’est allié avec Commerce One, ou que Baan a filialisé son activité CRM.
SAP semblait donc en retard. Grâce à cet accord, mais aussi celui passé dernièrement avec Clarify, spécialiste du CRM, il prouve à ses détracteurs qu’il est encore capable de réagir vite, et de changer sa stratégie pour se rapprocher des préoccupations de ses clients. Pour tous ses concurrents, et en premier lieu Oracle, cette alliance est une très mauvaise nouvelle, car elle signifie qu’il faut à nouveau compter avec SAP.

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Jean-Baptiste Dupin