Ce n’est pas par pure bonté d’âme que Google est le moteur de recherche par défaut dans Safari, le navigateur web d’Apple. Le géant d’internet paie très cher ce privilège : 19 milliards de dollars en 2023 (!), selon une estimation de Bernstein. Ce chèque pèse très lourd dans l’activité Services d’Apple, qui a engrangé un chiffre d’affaires de près de 80 milliards de dollars durant l’exercice fiscal 2022.
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Pas d’autre alternative que Google
Eddy Cue, le vice-président des services chez Apple, a été appelé à témoigner durant le procès qui oppose le ministère de la Justice américain (DoJ) à Google, l’entreprise étant accusée d’abus de position dominante. Apple et Google ont renégocié les termes du contrat en 2016 ; et même si les deux entreprises ont eu du mal à s’entendre sur le volet financier, il ne faisait aucun doute dans l’esprit du dirigeant qu’un deal allait être signé.
Et pour cause : « Il n’y avait certainement pas d’alternative valable vers laquelle se tourner ». Et ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Couper les ponts avec Google ? « Ce n’est pas quelque chose que nous avons vraiment envisagé sérieusement », a expliqué Eddy Cue. On comprend qu’Apple n’a jamais considéré la possibilité de créer son propre moteur de recherche concurrent de Google.
Le contrat a été renouvelé en 2021, sans faire de vagues. « Nous avons fait de Google le moteur de recherche par défaut parce que nous avons toujours pensé que c’était le meilleur. Nous avons pris le meilleur, et nous laissons la possibilité aux utilisateurs de le changer ». Il existe des options pour modifier le moteur de recherche par défaut : Yahoo, Bing, DuckDuckGo ou encore Ecosia peuvent être choisis.
La question de la confidentialité a également été soulevée durant le témoignage du lieutenant de Tim Cook, à qui a été présenté des courriels et des documents dans lesquels lui et Apple critiquent la politique de confidentialité de Google. Dans ces conditions, pourquoi faire de Google le moteur de recherche par défaut de Safari alors qu’Apple se présente comme le chevalier blanc de la confidentialité ?
« Nous avons toujours pensé que nous avions une meilleure [politique de] confidentialité que Google », a-t-il expliqué en rappelant les mesures de protection intégrées dans Safari. L’internaute peut ainsi utiliser Google sans avoir à se connecter à son compte, et la plateforme iOS au complet restreint les capacités de Google à suivre les utilisateurs à la trace. Il s’est aussi offert un tacle envers Android : « Je pense que l’iPhone est un appareil bien meilleur pour protéger sa vie privée ».
Le moteur de recherche d’Apple existe déjà et vous vous en servez tous les jours
L’entreprise peut répéter sur tous les tons qu’elle ne développe pas de moteur de recherche, la réalité est que ce n’est pas tout à fait vrai. Et il est même très possible que, sans le savoir, vous ayez déjà utilisé le « moteur de recherche » d’Apple ! Il n’existe certes pas sous la forme d’une page web dédiée à la manière de Google, mais sous plusieurs autres formes plus discrètes.
Siri n’est pas l’assistant le plus finaud de sa génération, mais les réponses à des questions d’actualité — les derniers films à voir, les compétitions sportives — sont souvent présentés dans des panneaux dédiés sans renvoyer vers Google. Une recherche d’images affiche même des résultats provenant de… Bing ! Bien sûr, le moteur de recherche dominant n’est jamais très loin, mais Siri cherche généralement à s’en affranchir le plus possible.
Spotlight, le moteur de recherche d’iOS et de macOS, combinent des suggestions de recherche Google (lorsque Google est le moteur par défaut) avec toutes sortes d’autres résultats, que ce soit des fichiers en local, des podcasts, des messages, des courriels, des photos de la bibliothèque de l’utilisateur… Idem pour les suggestions de Safari qui proposent des liens directs, des itinéraires, des signets, etc.
Pour alimenter toutes ces suggestions, Apple fait appel à un robot d’indexation baptisé AppleBot, qui est utilisé pour Siri, Spotlight et Safari. Les données d’AppleBot alimentent la plateforme Apple Search, qui prend aussi en compte l’engagement des utilisateurs vis-à-vis des résultats de recherche, la pertinence et la correspondance des termes de recherche, le nombre et la qualité des liens provenant d’autres pages web, les signaux basés sur la localisation de l’utilisateur ainsi que les caractéristiques de conception de la page web. Tout comme… Google.
Toute l’infrastructure est là, et il suffirait de pas grand chose finalement pour qu’Apple lance un « vrai » moteur de recherche. Mais le gros chèque signé chaque année par Google est un puissant incitatif pour ne pas bousculer les grands équilibres sur internet.
Mise à jour 2/10 — Dans sa dernière newsletter, Mark Gurman donne quelques précisions sur les « briques » de moteur de recherche à disposition d’Apple. Le projet « Pegasus », supervisé par le vice-président IA John Giannandrea, est une technologie qui permet de remonter des résultats de recherche plus pertinents. Elle est d’ores et déjà intégrée dans plusieurs applications, et bientôt dans l’App Store — qui a bien besoin d’un moteur de recherche efficace.
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Source : CNBC