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Amende pour téléchargement illégal, comment ça marche ?

Le texte de loi complétant la loi Création et Internet ajoute la contrefaçon aux délits pouvant être sanctionnés d’une amende. Il reprend aussi l’idée de couper l’accès au Net. Explications.

Ordonnance pénale : procédure simplifiée pour les contraventions et certains délits […]. Le tribunal de police ou le tribunal correctionnel décide, par ordonnance pénale, de condamner ou non l’auteur de l’infraction à une amende […] sans que celui-ci ne comparaisse devant le tribunal. » Cette définition figure dans le lexique du ministère de la Justice. C’est ce mécanisme de sanction que le texte de loi censé compléter la loi Création et Internet, présenté en Conseil des ministres mercredi 24 juin 2009, prévoit de vous appliquer si vous avez téléchargé illégalement.

Le texte, dit relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, modifie tout simplement le code de procédure pénale. Le piratage sur Internet vient s’ajouter à une liste de délits tels les infractions au code de la route ou au code de l’habitation et de la construction, les violations à la réglementation des transports terrestres, l’usage de stupéfiants.

Vous êtes coupable

Tout commence par le constat de l’infraction. Contrairement aux autres délits, ce n’est pas la police ou la gendarmerie qui va vous coincer, mais les agents assermentés de l’Hadopi (plus exactement de sa « Commission de protection des droits »). Et, détail pittoresque, « leurs procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire », dit le nouveau projet de loi. Autrement dit, vous êtes coupable d’office et non présumé innocent.

Dans le code de procédure pénale tel qu’il est rédigé actuellement, les amendes ne s’appliquent pas si vous avez moins de 18 ans. Or, dans le cas de téléchargements illégaux sur Internet, le coupable sera l’abonné à Internet dont on aura relevé l’adresse IP. Soit, pour les mineurs, les parents. A moins que les enfants paient eux-mêmes leur abonnement… Plus généralement, cette question de l’adresse IP pose toujours le même problème : c’est le seul moyen d’identifier un internaute mais il ne garantit pas que l’utilisateur soit bien le titulaire de l’abonnement.

Un juge unique

Le dossier est ensuite transmis au ministère public qui, au vu du constat d’infraction, choisit la procédure simplifiée. Il transmet alors le dossier au président du tribunal, avec les réquisitions.

A partir de là, c’est simple comme un extrait du code de procédure pénale : « Le président statue sans débat préalable par une ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation à une amende ainsi que, le cas échéant, à une ou plusieurs des peines complémentaires encourues, ces peines pouvant être prononcées à titre de peine principale ». Vous n’êtes présent et auditionné à aucun moment.

Cela dit, la procédure laisse la possibilité au président du tribunal de demander un débat contradictoire s’il l’estime nécessaire (notamment si les délits constatés impliquent plutôt une peine de prison qu’une simple amende). Dans ce cas, le dossier est renvoyé au ministère public.

L’ordonnance pénale est rendue par un juge unique, c’est-à-dire le président du tribunal. Le document comprend vos noms et coordonnées (fournis par le FAI à qui on a transmis les adresses IP repérées), la teneur, la date et le lieu du délit (c’est le constat d’infraction) et les peines. L’exécution est prononcée dans les dix jours par le ministère public.

Lettre recommandée A/R

C’est là que vous êtes remis dans la boucle : vous recevez l’ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception. Et vous avez 45 jours pour vous opposer à la décision. Si vous le faites, la procédure redevient contradictoire et vous pouvez être assisté d’un avocat. Sauf que si vous êtes reconnu coupable malgré tout, vous risquez bien plus qu’une amende de type code de la route. C’est le régime des trois ans de prison et 300 000 euros maximum du code de la propriété intellectuelle qui s’applique.

La suspension : une peine complémentaire

Quid de la fameuse la suspension de l’accès à Internet tant décriée ? Elle devient dans le nouveau texte une « peine complémentaire ». Les modalités sont les mêmes que dans la loi Création et Internet : coupure maximale d’un an, abonnement toujours prélevé, interdiction de souscrire auprès d’un autre FAI.

Mais contrairement à la philosophie originelle de la loi Création et Internet, cette suspension peut s’appliquer dans le cas où vous êtes sanctionné selon le régime standard des trois ans et 300 000 euros, que la loi voulait justement contourner pour ne pas infliger de peines trop lourdes en regard des infractions. La coupure d’Internet n’est donc plus une peine en elle-même, mais un « bonus », comme le retrait de points sur le permis de conduire vient en complément d’une amende. Autrement dit, si vous écopez d’une amende, vous pouvez aussi être privé d’Internet, mais pour un maximum d’un mois seulement.

« La coupure d’accès à l’Internet n’est pas prévue en cas de non sécurisation de l’accès à l’Internet, ce qui servait de base à cette sanction dans la loi Création et Internet, car cette non sécurisation n’est pas une infraction pénale, indique un juriste contacté par 01net. En clair, ce texte ne peut pas, en l’état, être la dernière étape de la riposte graduée. » Bientôt un troisième texte ?

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